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Entretien avec Raphaël Drommelschlager

Raphaël Drommelschlager © D.R.
Raphaël Drommelschlager © D.R.

« J’aimerais que le lecteur tombe amoureux de mon personnage féminin »

Né en 1971 à Toulouse, Raphaël Drommelschlager étudie à Paris à l’ESAG (Ecole Supérieure d'Art Graphique), l'école d'art Maryse Eloy (Ecole du centre Georges Pompidou) et le CFT Gobelins (section dessin animé). Après plusieurs expériences, il revient à Toulouse en 1999 où il a donné des cours de dessin dans son école de dessin académique l'Atelier de Raphaël et d’histoire de l’art dans une école de multimédia, l'ETPA. Il démarre finalement la BD en 2002 chez Delcourt en signant comme auteur complet une histoire très personnelle, les Voyages de Kaël. Il enchaine avec une tétralogie d’héroïc-fantasy les 4 Princes de Ganahan comme scénariste avec Tony Valente au dessin. En 2009, il passe chez Casterman avec un très bel album Paris-New York New York-Paris. Invité à Angoulême, il en a profité pour commencer un entretien avec la rédaction d’Auracan.com.

©Raphaël Drommelschlager / Casterman
extrait en exclusivité de la planche 3 de Londres-Athènes Athènes-Londres © Raphaël Drommelschlager / Casterman

Comment avez-vous conçu cette histoire Paris-New York New York-Paris ?
A l’origine avant même de créer l’histoire, il y avait un concept : raconter la même histoire sous plusieurs angles de vue différents. Je suis parti de cette idée que j’ai évoquée avec mon éditeur. Ensuite je souhaitais l’inscrire dans des capitales du monde. Je l’ai donc imaginée dans des lieux connus de tous, facilement reconnaissables et où tout pouvait se passer. J’ai ensuite bâti mon histoire. Au départ il n’y avait que deux personnages, Gaspard et Anna, et l’éditeur m’a suggéré de mettre en avant le troisième personnage, le frère de Gaspard. A la suite de quoi j’ai eu l’idée de raconter sous forme d’histoires parallèles les mêmes événements.

Connaissez-vous bien New-York ?
Je connaissais la ville, mais beaucoup moins que Paris. Et si j’ose dire, ce n’est pas plus mal car j’ai pu la fantasmer. Je n’y suis pas retourné au moment de réaliser l’album. Grâce à Internet j’ai pu avoir toute la documentation nécessaire. Et puis j’ai plusieurs amis à New-York et en fonction de ce qu’ils me disaient, j’ai pu m’en faire ma propre idée.


© Raphaël Drommelschlager / Casterman
extrait en exclusivité de la planche 4 de Londres-Athènes Athènes-Londres © Raphaël Drommelschlager / Casterman
A quel moment avez-vous choisi le graphisme particulier de cet album ?
Il est venu en tout dernier. J’ai d’abord rédigé l’histoire, puis réalisé le noir et blanc. Et l’idée des couleurs différentes par chapitre n’était pas encore venue. J’ai commencé à faire une couleur très classique et mon éditeur m’a conseillé un concept plus exigeant, un esprit coloré très reconnaissable d’une histoire à l’autre. J’ai alors cherché et au final je suis tombé un peu par accident sur ce gris avec chaque fois une dominante bleu, rouge ou vert pour chaque histoire.

Quelle est l’interprétation que vous avez voulu donner à ces codes de couleurs ?
J’ai essayé d’apporter une signification aux couleurs. Mais ce n’est pas évident. Disons que le bleu se rapporte peut-être au pouvoir et l’argent, le rouge à la passion et le vert à l’espérance. En fait au départ, le bleu était pour Anna mais je voulais quelque chose de plus chaleureux. Au final cela permet des interprétations multiples. Quant à la conclusion, elle devait se détacher du reste ; j’ai commencé par le noir et blanc et tout à la fin la couleur véritable apparaît.

Quel a été le processus pour réaliser cet album ?
Au départ, cela devait se faire chez un autre éditeur, mais Delcourt n’était pas très partant et ne voulait pas prendre trop de risques. Je suis très content de l’avoir réalisé finalement chez Casterman car il y a eu un vrai degré d’exigence autour de ce double album de 110 pages bien fini. J’ai mis presque deux ans pour le réaliser. L’éditeur a bien joué son rôle et j’ai même bénéficié du regard et de l’aide de Régis Loisel et de Jean-Louis Trip au festival 2009 d’Angoulême. C’est grâce à leurs conseils que je suis arrivé à la couverture finale de l’album.

Quelle sera la suite de votre collaboration chez Casterman ?
Je suis en train de travailler sur un nouvel album qui va s’appeler Londres-Athènes Athènes-Londres. Je suivrai le même principe de trois histoires avec une astuce sur les couleurs, mais très différente du premier album et avec deux capitales du monde. J’ai construit le même schéma avec des manipulations, une histoire de vengeance, des rebondissements, des choses inattendues… Ce sera une nouvelle histoire policière sur fond d’histoire d’amour. Je mettrai sans doute moins de temps pour le terminer alors qu’il s’agira également d’un double album. Mais dans le premier, il m’avait fallu un temps d’adaptation et rechercher le concept.

©Raphaël Drommelschlager / Quadrants
extrait en exclusivité de la planche 15 des Fenêtres d’Eristom © Raphaël Drommelschlager / Quadrants
Quel est le pitch de ce nouveau récit complet ?
Ce sera l’histoire d’un écrivain londonien qui a obtenu un succès assez rapide. Il part d’une ville à l’autre pour rechercher l’inspiration, pour trouver le frisson. Sa prochaine destination est une île des Cyclades en Grèce. Le lecteur va se rendre compte progressivement que ce type fuit ou cache quelque chose. Toute une manipulation va se retourner contre l’écrivain… Je n’en dévoilerai pas plus pour le moment. Cela paraîtra en 2011.

Vous travaillez beaucoup l’élégance de votre dessin, non ?
C’est l’effet que je recherche. J’essaye d’apporter une certaine élégance, du charme dans le trait. Je travaille beaucoup les dessins avant de les finaliser notamment pour les postures, les attitudes, les personnages féminins… Quand cela ne me plait pas je recommence. J’aimerais que le lecteur tombe amoureux de mon personnage féminin !…

©Raphaël  Drommelschlager /  Quadrants
extrait en exclusivité de la planche 15 des Fenêtres d’Eristom  © Raphaël Drommelschlager / Casterman
Avez-vous d’autres projets ?
Toujours comme auteur complet, je travaille sur une autre série, d’anticipation cette fois, chez Quadrants à paraître en septembre/octobre 2010. Cela s’appellera « Les Fenêtres d’Eristom ». J’ai la chance d’avoir des éditeurs qui me font confiance et je préfère dessiner mes propres histoires. Dans cette série s’opposeront un monde assez semblable au monde actuel et un monde futuriste. Ce sera aux antipodes de la Science-fiction à grands effets spéciaux. J’appelle ça de la « SF zen. » L’histoire en deux mots : Eristom est une cité futuriste entièrement fermée sur elle-même dans laquelle tout est pensé à l’échelle globale et jamais individuelle où l’homme est totalement « desémotionné ». En parallèle se trouve un autre monde complètement déserté qui semble être les racines de la civilisation d’Eristom. Si la population d’Eristom avait accès à son passé, à son histoire, cela éveillerait les consciences, chose hautement redouté par Vance, dirigeant et unique humanoïde d’Eristom qui croit contrôler les hommes en les gardant captifs de leur ignorance. C’est l’histoire d’une ville mécanisée, robotisée, dirigée par un humanoïde qui se prend pour un homme. Notre héros, Artan Beltak va sortir du système et se trouver seul contre tous. Il ira explorer le monde parallèle, la cité de Gaïa, sorte d’Eden entièrement recouvert de sable où les immeubles haussmanniens sont à moitié ensevelis et où les animaux ont trouvé refuge.

Du coup vous n’avez plus le temps de donner des cours de dessin ?
Non j’ai arrêté en effet. J’ai également été professeur d’histoire de l’art, mais c’est terminé. Je travaille dans un grand atelier avec d’autres dessinateurs et coloristes à Toulouse. Nous sommes une dizaines d’auteurs au centre-ville comme Serge Carrère, Hugues Labiano, Simon Léturgie, Sébastien Goethals, Paul Cauuet, … Nous échangeons beaucoup et il y a une certaine émulation. C’est vraiment très stimulant. Et quelque part, ce n’est pas mal d’avoir des horaires de bureau pour distinguer le professionnel du privé.
©Raphaël  Drommelschlager / Casterman
extrait en exclusivité de la planche 4 de Londres-Athènes Athènes-Londres © Raphaël Drommelschlager / Casterman

Propos recueillis par Manuel F. Picaud entre janvier et juin 2010
Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable
Coordination rédactionnelle : Marc Carlot  © Manuel F. Picaud / Auracan.com
Remerciements à Kathy Degreef et Marie-Thérèse Vieira
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Manuel F. Picaud
01/07/2010