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Entretien avec Olivier Neuray

Créée par Luc Brunschwig et Olivier Neuray , Makabi est une série enthousiasmante. Elle révèle un héros hors norme très attachant. Au fil des albums, on en apprend toujours plus ce personnage étonnant, dont le caractère se forge peu à peu. Alors qu'un nouveau cycle débute avec le tome 4, intitulé Juke-box, nous avons rencontré Olivier Neuray, le dessinateur de cette série prometteuse.

Qui est Makabi ?

Avec son look de gentil garçon à lunettes, Lloyd Singer n'a rien du tombeur, ni du justicier. Ses parents sont morts dans un accident de voiture quand il n'avait que 13 ans. Aîné de la famille, il a dû s'occuper de ses deux sœurs, Esther et Geri, et de son frère Eliott, très jeune. Les quatre enfants seront élevés par sa grand-mère d'origine russe. Souvent brimé et menacé par une bande d'adolescents emmené par un certain La Bianca, le jeune Lloyd apprend les arts martiaux avec le rabbin Yeouda Metzger. Pour protéger les siens, il utilisera ces techniques de combat sous un masque, sous le nom de Makabi. Le jeune La Bianca en fera les frais, et une longue amitié en découlera…

Lloyd était chef du service comptabilité au FBI. Ses connaissances du russe et la facilité avec laquelle il obtient la confiance des femmes l'avaient amené à remplir une première mission (objet du premier cycle de la série Makabi). L'agent La Bianca avait fait appel à lui pour protéger une jeune femme russe, enrôlée malgré elle dans un réseau de prostitution aux Etats-Unis, et son enfant. Cette mission laissera des traces indélébiles dans la mémoire de Singer, puisqu'il y tuera un homme.

Dans le deuxième cycle de la série, Lloyd Singer a rejoint l'académie du FBI. Il suit la formation qui devrait faire de lui un agent d'élite. Néanmoins, son allure anodine lui vaut à nouveau les brimades de ses condisciples. De plus, son esprit est hanté par le mort de sa précédente mission. La Bianca lui confie une nouvelle responsabilité parallèlement à sa formation. Il s'agit de faire témoigner la seule victime survivante d'un serial killer. Une épreuve difficile pour la jeune femme. Défigurée par son agresseur, elle ne veut plus parler à personne...

Comment s'est mis en place le contexte social et familial de Lloyd Singer, alias Makabi ?

Luc Brunschwig, mon scénariste, a mis beaucoup de choses très personnelles dans le personnage. Makabi est juif comme lui, et il a les traits de son frère. Ce dernier est comptable, et il possède le même rapport avec les femmes que Lloyd Singer. Ce n'est pas un séducteur. Ce n'est pas un partenaire potentiel pour les femmes. De ce fait, elles se confient facilement à lui. Luc a voulu utiliser ces qualités rares pour créer un personnage atypique. Cette série est le résultat d'un grand travail d'introspection chez lui.

Lloyd Singer revêt vraiment la double personnalité des super héros, à l'instar de Superman par exemple.

C'est un super héros qui ne s'assume pas. Il ne supporte pas la part de violence qui est en lui. Or, c'est précisément cette facette de sa personnalité que son ami d'enfance La Bianca va lui demander d'exploiter. Au départ, Lloyd accepte par gentillesse, mais il est entraîné dans un engrenage. Le fait qu'il tue Sergueï à la fin du tome 3, va quasiment l'obliger à devenir agent d'élite pour se déculpabiliser face à cette mort qui l'obsède.

Cette culpabilité se ressent tout au long de ce quatrième tome.

Oui. Quand il est au stand de tir, il est comme paralyser. Il ne peut pas tirer car c'est Sergueï qu'il voit au centre de la cible. Il y a une grande violence dans cette série, mais c'est une violence qui n'est pas assumée par le héros. C'est une espèce de mal nécessaire qui le transforme.

Dans ce nouvel album, il est de nouveau un souffre-douleur.

Il a l'air trop gentil. Son apparence ne correspond pas du tout à l'espèce de brute qu'il peut devenir grâce à sa maîtrise des arts martiaux. Les autres élèves de l'académie ne croient pas que cet intello à lunettes fera un bon partenaire, à même de les soutenir en cas de coup dur. Donc ils ne veulent pas de lui. Ils ne se rendent pas compte que c'est peut-être le meilleur d'entre eux. Ils vont l'humilier, le persécuter, jusqu'au moment où il va craquer. Ca va à nouveau révéler sa part d'ombre, cette agressivité, qu'il ne supporte pas d'avoir en lui. Et il va devoir l'apprivoiser petit à petit.

Les événements de cet épisode vont l'obliger à réagir…

Lorsqu'il était gamin, son masque de Makabi le protégeait. Il lui permettait de ne pas aller trop loin. Mais maintenant, le masque est tombé. Il n'y a plus un Makabi d'un côté et un gentil Lloyd de l'autre. Ce sont deux parts de lui-même qu'il va devoir réconcilier. Même si c'est une force qui est plutôt au service du bien, elle peut parfois le mener à des extrêmes quand il ne parvient pas bien à la dominer.

C'est ce qui arrive à la fin de l'album, il va trop loin.

Cela va lui valoir de gros ennuis. Il va se faire taper sur les doigts. Il va aller en prison. Il devient quelqu'un de redoutable. Contrairement à l'impression qu'il donnait au début où on pensait qu'il ne faisait pas le poids.

La musique sert de fil conducteur au récit. Pourquoi avoir choisi cette forme de narration ?

Les séquences s'organisent de manière aléatoire dans cet album. Comme dans un juke-box. Luc a voulu travailler la narration, un peu à la manière du film Pulp Fiction de Tarentino . Cela permet de faire beaucoup d'ellipses. Comme on ne suit pas la chronologie des événements, il y a des choses qu'il n'est plus nécessaire de raconter. En ayant la fin, on peut se passer de certaines séquences. Comme il s'agissait avant tout de musique et de chansons, on a rapproché la structure du récit à celle d'un juke-box. On a eu quelques petits problèmes par rapport aux chansons, parce qu'on voulait qu'il y ait une chanson d'Elvis, une des Bee Gees et une de Michael Jakson. Les droits sont tellement protégés, que pour Elvis, on n'a pas réussi à obtenir les autorisations. Il fallait trop de temps. Ils demandaient trop d'argent. On a utilisé Staying Alive des Bee Gees. C'était nécessaire. Les autres morceaux sont des chansons composées par Luc. Elles évoquent des romances de l'époque…

Les décors de Makabi sont bien réels. Est-il important de se rendre sur place pour effectuer des repérages ?

Personnellement, je trouve ça nécessaire. Mais qui s'en rend compte ? J'adore voyager en faisant ce genre de reportage. J'ai besoin de ça pour m'imprégner d'une ambiance. Je ne suis pas de ces dessinateurs qui peuvent imaginer un endroit sans y être allés. Cela me procure une grande excitation, à la fois d'y être, et puis ensuite de remettre les décors en scène. Je suis allé sur place deux fois. J'ai visité le siège du FBI, je suis allé à Richmond. J'ai fait plein de photos. Je connais bien les Etats-Unis, en dehors de cela. Plusieurs membres de ma famille y habitent.

Vous citez en remerciement Alec Séverin, Marc Delafontaine, et Laurent Hirn. Quel a été le rôle de chacun dans la création de cet album ?

Alec Séverin m'a beaucoup aidé à dessiner le petit singe. Mon atelier est situé à deux pas de chez lui. Je lui montrais mes pages au fur et à mesure. C'est très agréable de parler avec lui. Au fil des mois et des années, nous sommes devenus amis. Il a une immense culture en matière de bande dessinée. C'est impressionnant.
Marc Delafontaine m'a initié par internet à un engin fabuleux qu'est la palette graphique Wacom. C'est un écran d'ordinateur sur lequel on dessine. Au 2/3 de l'album, je suis passé à cette technique, et je ne pense pas que ça se sent. Cela permet d'aller beaucoup plus vite qu'avant. Cela permet aussi une souplesse de travail étonnante. Il a fait mon écolage depuis le Québec pour moi qui me trouvais en Belgique. Uniquement par mail. Avec une gentillesse incroyable.
Laurent Hirn a retravaillé la couverture. C'était un week-end où nous étions chez Luc. Nous avions reçu la maquette de la nouvelle couverture que les graphistes de Dupuis avaient réalisée. Laurent a proposé quelques améliorations. Notamment, mettre Makabi en plus grand. Il a aussi donné l'idée de détourer le personnage sur un fond blanc. Je trouve cela beaucoup plus actuel.

Propos recueillis par Marc Carlot en février 2007.
Copyright © Marc Carlot / Auracan.com 2007
Droits réservés. Reproduction, même partielle, interdite sans autorisation préalable.
Photos d'Olivier Neuray © Marc Carlot 2007
Visuels extraits de Makabi (Tomes 1, 2, 3, 4) © Neuray, Brunschwig, Dupuis

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Marc Carlot
21/02/2007