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Entretien avec Philippe Wurm


Philippe Wurm

Philippe Wurm est un passionné de culture anglaise  : les polars de P.D. James, les films d'Hitchcock, le tennis de Wimbledon… autant d'ancrages dans la vie des Britanniques, qu'il apprécie. Quand il a rencontré Jean Dufaux, il ne pouvait que réaliser ensemble une série à la sauce anglaise : Les Rochester.

Les jeunes gens en colère, dont le titre du tome 5 est inspiré, sont de jeunes londoniens qui ont juré de mener la vie dure à Aziz, un extrémiste musulman qui fomente de nouveaux attentats. Au milieu de cette guerre des extrêmes, Jack Lord joue les agents secrets de pacotille dans les garden parties… Tandis qu'Elza Rochester tombe dans ses bras.

Jeunes gens en colère, le 5ème opus des Rochester, sort, alors que ce thème à la une de l'actualité. Un troublant hasard que nous commente Philippe Wurm :

« Jean Dufaux a réagi dans les quelques mois qui ont suivi les attentats meurtriers de Londres du 7 juillet 2005. Introduire le terrorisme et les relations entre l'islam et la société occidentale dans une de nos histoires était une manière d'impliquer la série dans son actualité contemporaine au sens le plus large. Les islamistes aiment jouer sur les dates anniversaires. Visiblement, ils avaient décidé de faire un triste rappel des événements de 2005. C'est un hasard si l'album sort maintenant, mais le sujet restera celui de notre décennie. Hélas... »


A la rechreche d'Aziz

Avec Les Rochester, les auteurs, sur un ton proche de la comédie, aiment toucher à des sujets variés :

«  Nous ne voulons pas nous laisser enfermer dans un genre. Nous ne faisons ni du polar, ni du western, ni de la science-fiction, ni du fantastique… Pour prendre une référence à la culture anglo-saxonne, regardons les aventures de Sherlock Holmes. On y trouve du policier, mais aussi de temps à autre, une petite touche de fantastique, ou une part de jeu politico diplomatique. Sans oublier les relations humaines entre les personnages. Nous voulons avoir la même liberté de ton et de genre que les romans anglais à partir du 19 e siècle. Notre but est de présenter un portrait de l'Angleterre vu du continent. Quelque chose de très ouvert, très libre, qui s'oriente selon nos humeurs et nos envies. »


Jack Lord et Elza Rochester

Jack Lord et Elza Rochester forment un drôle de couple. Ils ont été mariés. Ils ont divorcé. Mais leur relation se poursuit au-delà de cette séparation :

 «  Pour le tome 6, nous allons nous concentrer sur Jack et Elza et la problématique de leur couple. On comprendra pourquoi ils étaient mariés hier, pourquoi ils se sont séparés, et pourquoi aujourd'hui, ils n'arrivent pas à se remettre ensemble alors qu'on sent et l'on voit qu'il subsiste un attachement très fort entre eux. »

En mêlant un ton léger et des sujets parfois plus graves comme celui de Jeunes gens en colère, Wurm et Dufaux jouent les funambules. Il ne faut jamais tomber dans l'excès et toujours rester crédible  :

« Quels que soient les thèmes, nous voulons les traiter sur un ton léger. Nous allions le tragique au comique. Le passage du jaune –le rire- au noir constitue la plus grande difficulté dans cet exercice. Tant dans le dessin, que dans le scénario. Il faut arriver à amalgamer les deux. C'est un peu cela qui fait le sel de la série. »

Pour éviter de tomber dans la caricature, le dessinateur a tenu à rendre son trait encore plus lisible :

«  J'ai intensifié l'usage de la ligne claire dans mon dessin. Je me suis rendu compte que ce style est idéal pour représenter la réalité d'un monde qui existe autour des personnages, et pour glisser rapidement vers un ton de comédie. Tintin en est le plus bel exemple. Les 15 derniers albums couleur décrivent un univers très crédible, très documenté. Et en même temps, il y a des dérapages constants dans l'humour avec Haddock, Tournesol ou les Dupondt. Hergé est arrivé à faire la balance parfaite, grâce à sa ligne claire. »

Si Hergé reste bien sûr une référence, le graphisme et le cœur de Philippe Wurm penche plutôt vers un autre grand auteur :

«  Jacobs et ses Blake & Mortimer restent ma grande référence graphique. Probablement à cause de la Marque Jaune et de l'Angleterre des années '50 qu'il a magnifiés. »

De là à tenter la reprise de cette série mythique, il n'y a qu'un pas :

« Si j'avais une proposition de l'éditeur, pourquoi pas. Mais il faudrait voir si cela s'arrangerait dans la gestion de mon travail. Je ne veux absolument pas abandonner Les Rochester. Et puis, il faut avoir de bons scénarios. Ce n'est pas facile de trouver des sujets suffisamment porteurs dans les années 1950, après la vingtaine d'albums existants. Avec une bonne histoire, je serais prêt à tenter l'expérience. »

Propos recueillis en juillet 2007, par Marc Carlot
© Marc Carlot, Auracan.com
Tous droits réservés
Photo de Philippe Wurm © Marc Carlot 2007
Visuels extraits des Rochester – T5 : Jeunes Gens en Colère © Dupuis, Wurm, Dufaux

Les Rochester sur auracan.com :

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Marc Carlot
16/07/2007