Entretien avec Xavier Coyère
À 42 ans, Xavier Coyère a démarré tardivement une carrière dans la bande dessinée aux côtés de Jean-Claude Bartoll qui lui a confié la série d’aventures Mékong où il peut exprimer tout son talent. Rencontre avec cet illustrateur et dessinateur francilien très sympathique, au style réaliste fort abouti. Xavier Coyère est un artiste solide rompu aux nouvelles technologies . « Après un démarrage de carrière dans la publicité, j’ai bossé pour I.B.M. à reconstituer en images de synthèse certains édifices disparus (l'abbaye de Cluny en Bourgogne, les thermes de Cluny à Paris, Notre-Dame de Dresde…) pour valider la performance du logiciel TDImage. J’ai ensuite travaillé comme "designer characters" (design de personnages) pour le dessin animé , notamment sur les séries La Princesse du Nil et Les Malheurs de Sophie pour France Télévision pendant une dizaine d'années... C'était un travail radicalement différent, je quittais les productions en images de synthèse pour retrouver le papier et le crayon. » Cette passion pour le dessin, Xavier aime aussi la partager . « De septembre 2006 à février 2007, j’ai enseigné le dessin de personnages à LISAA, l’Institut Supérieur des Arts appliqués, une école privée comptant deux antennes à Paris. » Xavier voulait dominer le dessin avant de se lancer dans la BD . « J'ai lu des tas de BD quand j'étais plus jeune jusqu'à aujourd'hui, mais faire de la bande dessinée, c'est autre chose ! Pendant longtemps, cette question ne s'est pas du tout posée. Peut-être avais-je d'autres choses à aborder avant, comme le dessin, le design de dessin animé, la narration, le story-board. On a besoin de tout ça quand on fait de la BD. Bref, il faut croire que même si je dessine depuis mon plus jeune âge, je ne pensais pas être fait pour ça. Aujourd'hui, les choses ont changé, je trouve que c'est un média très intéressant qui demande créativité, patience et passion. Je ne sais pas où ça me mènera, mais c'est agréable de plonger dans des histoires avec sa vision, et je suis convaincu que cela le serait plus encore si je racontai mes propres histoires. Fin connaisseur éclectique de la bande dessinée, Xavier trouve l’inspiration auprès de nombreux auteurs : « Christian Rossi qui pour moi est au sommet de son art. Jean Giraud-Mœbius dont j'ai admiré le travail bien des années. Daniel Goossens qui me scotche par son dessin d'une justesse autistique, son génie et son humour. Alex Toth, maître absolu du noir et blanc. Jiro Taniguchi qui possède un véritable sens du récit. Plus récemment, il y a Mathieu Bonhomme dont je trouve le dessin et la mise en scène étonnantes, digne fils de Rossi selon moi. Frederik Peeters dont le dessin sert tellement bien ses histoires. J'ai été abasourdi par le talent de Benjamin Flao, il a une maturité graphique rare. J'en oublie certainement, mais ceux que je cite me sont marquants. » Dans une démarche mûrement réfléchie, Xavier s’est finalement lancé à l’âge de 40 ans dans la BD .« Après deux albums, je me rends compte que j'aurai vraiment démarré dans la BD quand j'aurai écrit moi-même une histoire que je dessinerai. Mais il était logique qu'un jour ou l'autre, j'explorerais cette manière si particulière de raconter des histoires. J'avais participé à un concours BD de la FNAC, il y a quinze ans environ, à l'issue duquel j'avais été classé troisième sur plus de 600 projets. J'avais été très surpris, parce que je l'avais fait pour m'amuser et voir si je pouvais raconter une histoire en images. Cela m'a donné un bout de réponse que je me suis empressé d'enfouir dans un coin de ma tête pendant de nombreuses années, pas prêt du tout que j'étais de me lancer dans ce média qui avait bercé mon enfance et mon adolescence. Jean-Claude Bartoll, que j'ai rencontré par l'intermédiaire d'un collègue et ami qui avait travaillé avec lui sur une série d'animation, m'a donné à lire son histoire. À ce moment-là j'étais mûr pour tenter l'aventure. » Et cette collaboration lui plaît . « Jean-Claude Bartoll me donne des scénarii suffisamment détaillés pour que je sois inspiré de les dessiner. Ce qui me pousse à dessiner, c'est la cohérence des actions et de l'histoire. » En outre, les auteurs ont « beaucoup bataillé pour trouver une vraie complémentarité sur Mékong. Jean-Claude me laisse pas mal de liberté aujourd'hui et une vraie place pour y apporter ma vision. Je lui fais des propositions de changements dessinées dont nous discutons, puis nous prenons une décision. » Tous ces échanges se font par téléphone et mail. La méthode de travail - souple mais exigeante - pour la série Mékong est un mélange de travail documenté et d’imagination . « En fait, le propos de Mékong n'est pas de coller pile poil à une réalité historique, costumes et décors compris : sur certains points nous allons être très précis en utilisant de la documentation, ce qui donne de la crédibilité au récit en l'inscrivant dans une réalité, et sur d'autres points, nous nous mettons d'accord pour être plus inventifs et imaginatifs. Mais je travaille très difficilement avec la doc, je ne trouve jamais exactement ce que je veux ; ça demande de la méthode et je ne suis pas méthodique pour deux ronds, ça demande aussi fréquemment de se plier au point de vue de la photo que je ne désire pas pour telle ou telle case… Alors, je m'en inspire beaucoup, mais en général je redessine tout. Finalement, c'est peut-être ça, se servir de la doc ! Mais c'est certainement pour ça que je ne suis pas le plus rapide des dessinateurs ! » Néanmoins le tome 3 de Mékong est programmé pour janvier 2009. En attendant d’autres projets. À suivre… |
Propos recueillis par Manuel F. Picaud le
27
novembre
2007 Propos retranscrits et introduits par Brieg F. Haslé et Manuel F. Picaud © Manuel F. Picaud / Auracan.com Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable. Photo de l'auteur © Manuel F. Picaud / Auracan.com Visuels © Xavier Coyère - Jean-Claude et Agnès Bartoll / Dargaud |
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