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Entretien avec Marc Bourgne

Marc Bourgne
Marc Bourgne
© Laurence de la Gorce

« L'ensemble du concept de Voyageur est très excitant. »

Marc Bourgne, 41 ans, œuvre depuis 16 ans dans la bande dessinée réaliste. Après sa reprise réussie de Barbe-Rouge avec Christian Perrissin, sa série-phare dont il est l’auteur complet reste la saga policière Frank Lincoln chez Glénat. Depuis la sortie en mars 2007 de sa BD historique consacrée à l'empereur austro-hongrois Charles Ier (dessin Marcel Uderzo), il s’est fait discret. L’auteur s’est en effet immergé dans la saga Voyageur, la série écrite et coordonnée par Éric Stalner et Pierre Boisserie. Parallèlement, Marc Bourgne a lancé plusieurs projets comme scénariste. Pour Auracan.com, il accepte de parler de son parcours et de ses nombreuses et prochaines sorties. Entretien rare et exclusif.

Comment êtes-vous arrivé à la BD ? Vous avez suivi des études d’histoire…
L'histoire est une matière qui m'a toujours intéressé. J'avais pour objectif de devenir prof, ce qui m'aurait permis de dessiner pendant les vacances scolaires. En fait, je n'ai enseigné qu'un trimestre, ayant eu la chance de trouver très vite un éditeur : Dargaud, pour ma première série : Être Libre.

Voyageur
extrait de la planche 15 de Voyageur cycle Présent T1 © Bourgne - Boisserie - Stalner / Glénat

D’où vous vient votre goût pour la BD ?
De l'enfance, et en particulier de la lecture de mon premier album à l'âge de six ans. C'était le Crabe aux pinces d'or d'Hergé. J'ai appris à dessiner seul, je suis autodidacte. Et je dessine depuis la petite enfance.

Le personnage principal de Voyageur

Le personnage principal de Voyageur vu par Marc Bourgne © Bourgne - Boisserie - Stalner / Glénat

Voyageur
extraits de la planche 15 de Voyageur cycle Présent T1
© Bourgne - Boisserie - Stalner / Glénat
Quels sont vos dessinateurs et scénaristes référents ?
Je suis un fan de Gir-Mœbius (comme tous les dessinateurs réalistes du monde !). À part lui, je lis depuis toujours énormément d'albums de bande dessinées Je suppose donc que ceux qui m'ont influencé, consciemment ou non, sont très nombreux et il m'est difficile d'en citer un plutôt qu'un autre.

Avec Voyageur, vous collaborez au duo Pierre Boisserie - Éric Stalner. Dans quelles circonstances s’est faite la rencontre avec l’un et l’autre ?
Pierre m'a abordé au Salon du Livre de Paris pour m'inviter au 2ème festival de Buc (dont il s'occupait à l'époque) et me demander d'en dessiner l'affiche. Au fil des années, il est devenu l'un de mes meilleurs amis. Nous partageons notamment une même passion pour Bruce Springsteen... Je ne me souviens plus de ma rencontre avec Éric : ce devait être sur un salon, peut-être bien à Buc…

Qu’est qui vous a plu dans le projet Voyageur ?
L'ensemble du concept de Voyageur est très excitant. Ce principe de trois cycles en ordre chronologique inversé... Et l'idée d'intégrer une équipe composée exclusivement de copains.

Parlons plus précisément des tomes 5 à 8 de Voyageur que vous réalisez. Que pouvez-vous nous dire sur ces quatre épisodes du cycle Présent ?
Pierre et Éric m'ont interdit dès le début de révéler la moindre information ! Je peux juste vous dire qu'il s'agit d'un thriller contemporain avec beaucoup d'action, très sympa à dessiner... et à lire !

Quand avez-vous commencé à les mettre en images ?
J'ai commencé avant Éric (il y a deux ans et demi)... et je finirai après lui ! J'ai depuis le début les synopsis de mes quatre albums. Le scénario détaillé m'est livré au fur et à mesure. Je communique souvent avec Pierre qui vit dans le même département que moi.

Extrait de la planche 15 de Voyageur
cxtrait de la planche 15 de Voyageur cycle Présent T1
© Bourgne - Boisserie - Stalner / Glénat
Suivez-vous parallèlement ce qui est dessiné par les autres intervenants ?

Je suis ce que fait Éric. Quant aux autres, ils n'ont pas encore commencé ! Les albums d'Éric ne m'influencent pas, les deux époques que nous dessinons étant très distinctes. On n'a que trois personnages communs : Lou, Fish et Mac. Tous trois sont très typés (couleur des cheveux, cicatrice en forme de V, moustache et petites lunettes...) et donc facilement reconnaissables quel que soit le dessinateur. Et puis Éric et moi faisons partie de la même famille de dessinateurs : celle des réalistes. Nos traits ne sont donc pas suffisamment dissemblables pour que j'aie eu des difficultés à reprendre ses personnages.

Pensez-vous que ce type de fonctionnement sur une série puisse servir d’exemple ?

Depuis les succès du Décalogue et du Triangle secret, les projets de ce genre, à plusieurs dessinateurs, sont déjà nombreux. Ce n'est un exemple à suivre que si le sujet le justifie, et si chaque dessinateur s'implique à fond, autant que pour un album de sa propre série.

Par ailleurs, vous avez écrit le scénario d’un diptyque à paraître chez Vents d’Ouest, l’Été 63, mis en images par le dessinateur québécois Vincent Rioux, alias VoRo. Quel est le pitch de cette histoire familiale ?

Linh, une adolescente née en Indochine d'une mère vietnamienne et d'un père médecin de la marine française, quitte son pays en guerre pour débarquer chez son père. Celui-ci élève seul son fils Jeannot, qui a trois ans de plus que Linh. Jeannot, qui ignorait l'existence de Linh, vit assez mal son arrivée. Le père emmène ses enfants dans un village d'Auvergne pour les vacances... C'est un drame psychologique dans la lignée du Sursis de Jean-Pierre Gibrat.

Projet de couverture d'Eté
Dessin de couverture du T1 de l'Été 63
© VoRo - Bourgne / Vents d'Ouest
Où avez-vous trouvé votre inspiration ?

Peut-être dans mes études d'histoire, dans des lectures... Et j'avais envie de situer une histoire dans ma région d'origine : l'Auvergne.

Pourquoi avoir confié ce récit à VoRo ?
Je l’ai rencontré au Québec, pendant le festival BD de Gatineau. Le trait de Vincent a la sensibilité indispensable pour illustrer ce scénario uniquement fondé sur des sentiments. D'autant plus qu'il a changé sa méthode de travail, abandonnant le trait encré pour adopter un crayonné mis en fausse couleur directe : il colorise à l'ordinateur, mais on jugerait de l'aquarelle. L’album paraîtra en janvier 2009. Je n'aime pas dénoncer mes camarades, mais Vincent a effectivement pris du retard, pour des raisons indépendantes de sa volonté... Mais son travail est tellement remarquable que les lecteurs ne regretteront pas d'avoir dû être patients.

Vous signez aussi l’adaptation BD du Dernier des Mohicans aux éditions Adonis avec, au dessin, Marcel Uderzo pour qui vous aviez déjà écrit l’histoire de Charles Ier. Le choix de cette adaptation est-il lié à votre goût pour l’Amérique du Nord ?
Oui. C'est un goût que je partage avec Marcel. En fait, Marcel a été contacté par l'éditeur. Il s'est vu soumettre une série de titres disponibles. Grand amateur de western, il a sauté sur le Dernier des Mohicans. Il m'a alors demandé si je voulais bien écrire le scénario, ce que j'ai fait avec d'autant plus de plaisir que Marcel est un ami.

Certains critiquent cette tendance des adaptations littéraires et reprochent la pauvreté scénaristique…
L'adaptation de classiques de la littérature est un phénomène de mode, qui ne peut que réjouir les auteurs de BD en leur permettant de replonger dans des souvenirs de lecture. Après tout, les grands romans ont toujours largement inspiré les cinéastes : pourquoi pas les auteurs de bande dessinée ?

Après votre reprise réussie de Barbe-Rouge, vous revenez également avec une nouvelle aventure de pirates…
Effectivement, les Pirates de Barataria paraîtront chez Glénat. Il s'agit d'une histoire de femmes pirates qui se déroule à une époque et dans un lieu qui sont assez originaux pour une histoire de piraterie : le début du XIXe siècle et la Louisiane.
Barataria
extrait de la planche 1 des Pirates de Barataria T1 © Bonnet - Bourgne / Glénat

Comment est né ce projet avec Franck Bonnet ?
Je connais Franck depuis nos débuts chez Dargaud. C'est lui aussi un ami, et nous avons toujours parlé de travailler ensemble un jour. Je l'avais déjà aidé à retravailler le synopsis et les dialogues de sa série Vell'a. Et puis j'ai découvert l'histoire de Jean Lafitte, un pirate français installé dans les bayous de Louisiane au début du XIXe siècle, et j'ai tout de suite pensé à Franck. Il adore les bateaux de cette époque et rêvait de dessiner une histoire de pirates. J'ai imaginé une héroïne, Artémis, qui fuit la France et débarque à la Nouvelle-Orléans avec un secret qui va intéresser Lafitte et ses proches. Franck aura bientôt terminé la première moitié du premier album.

Comment vous organisez vous pour passer d’un projet à l’autre ?

Dès que Vincent ou Franck a besoin de pages de scénario, je lui en écris quelques-unes... Et j'essaie de ne pas prendre trop de retard sur Voyageur !

Pour clore notre rencontre, avez-vous d’autres projets et envies ?
Rien de bien défini, faute de temps. Mais des idées de scénario et l'envie de travailler avec certains scénaristes (comme, par exemple, Fabien Vehlmann)... Et puis j'ai hâte de reprendre Frank Lincoln ! Le cinquième tome se déroulera au Japon et sera riche en révélations…
Extrait de la planche 1 d'Eté
extrait de la planche 1 du T1 de l'Été 63 © VoRo - Bourgne / Vents d'Ouest

Propos recueillis par Manuel F. Picaud en juillet 2008
Propos présentés et introduits par Brieg F. Haslé et Manuel F. Picaud
Tous droits réservés. Reproduction interdite sans autorisation préalable
© Manuel F. Picaud / Auracan.com

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Manuel F. Picaud
12/09/2008