La rencontre avec Vincent Dutreuil,
le dessinateur de Ada Enigma, s'est effectuée d'une manière un peu
particulière. Comment cela s'est-il passé ?
J'étais à la recherche de dessinateurs depuis des années. Je suis
tombé, un jour, sur un message de Vincent sur le forum fr.rec.arts.bd.
Il cherchait un scénariste. Je lui ai adressé un mail et nous avons
commencé à correspondre. Je lui ai envoyé une série d'idées de scénarios.
C'est Les Spectres du Caire qui a retenu son attention.
Nous avons donc travaillé sur le sujet en nous échangeant des tas
de messages électroniques. Il a fallu près d'un an avant qu'on ne
se rencontre réellement, en chair et en os.
Le scénario des Spectres du Caire était-il
déjà dans vos boîtes à idées ou a-t-il été imaginé en fonction des
envies du dessinateur ?
Je lui avais d'abord soumis d'autres propositions. Ces sujets ne
l'emballaient pas particulièrement. J'ai donc essayé d'imaginer
des pistes de scénarios rencontrant plus ses aspirations et étant
en meilleure adéquation avec son graphisme. C'est de là qu'a découlé
ce récit empreint de fantastique se déroulant au début du 20e siècle
dans une ville arabe. Chacun de nous a apporté ses idées pour créer
ce scénario.
Pourquoi avoir localisé cette histoire
au Caire précisément ?
Je suis passionné par l'Orient. Lors d'un voyage d'un mois en Egypte,
j'ai séjourné une semaine au Caire. C'est une ville tout à fait
fascinante, surtout les vieux quartiers qui datent du début du siècle.
Je connaissais l'existence d'un cimetière désaffecté tel qu'il se
retrouve dans notre récit. La seule différence est que le cimetière
réel n'a été désaffecté qu'au cours des années 70.
De plus, l'ambiance de cette ville, avec ses ruelles, ses échoppes,
cadre bien avec le dessin de Vincent.
La documentation pour reconstituer
l'atmosphère de cette ville sous l'empire colonial britannique n'a-t-elle
pas été trop difficile à trouver ?
Lors de mon séjour, j'avais pris beaucoup de photos du Caire. J'ai
complété cela par des copies de documents provenant de la bibliothèque
universitaire de Louvain-La-Neuve, qui est bien fournie sur le sujet.
Vincent a également trouvé quelques livres de son côté. Tous ces
documents nous ont aidé à rendre au mieux l'ambiance du lieu.
Comment avez-vous abouti avec votre
projet chez Glénat ?
C'est un peu la chance et le hasard, et le fait de tomber au bon
moment, qui nous ont permis d'être édité chez Glénat. Nous avons
commencé en mai 1999 à démarcher les éditeurs. Le premier éditeur
que nous avons rencontré était Glénat à Paris. Ils nous ont gentiment
dit que, bien que notre travail soit bon, ils ne voyaient pas dans
quelle collection ils pouvaient l'intégrer. Nous avons poursuivi
notre tour des éditeurs. Grosse surprise en septembre 1999, Paul
Herman, directeur de Glénat Bénélux (Bruxelles) nous appelle. Il
souhaite nous rencontrer. Nous nous rendons donc au siège bruxellois
de Glénat et il nous explique que notre récit, moyennant quelques
aménagements, pourrait être repris dans la collection Carrément
BD qu'il est en train de mettre en place.
De quels aménagements s'agissait-il
?
D'abord, il y avait le format particulier de cette collection. Comme
son nom, l'indique l'album est carré. Les planches devaient donc
se soumettre à ce format inhabituel. Ensuite, Paul Herman souhaitait
une série. Or, notre projet était prévu pour un one-shot. Il nous
a fallu modifier le scénario pour en sortir un héros.
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Comment le choix du héros s'est-il
porté sur Ada ?
Au départ, seuls Dalguir, Kalilil et les deux anglais stupides occupaient
une place importante dans l'histoire. Ada ne faisait qu'une courte
apparition dans une case. En voyant cette jolie jeune femme dessinée
par Vincent, je m'étais dit que je la reprendrais dans la suite
du récit, mais sans savoir comment je la ferais intervenir.
Lorsque nous avons dû chercher un personnage récurrent pour la série,
nous avons passé en revue, avec Paul Herman, les différents protagonistes
de l'histoire. Finalement, je suis tombé un peu par hasard sur le
dessin d'Ada et je lui ai proposé d'en faire l'héroïne. Il a tout
de suite accepté.
Le scénario a dû être sérieusement
modifié suite à sa venue.
Oui. Il a fallu trouver un titre à la série et donner
une importance beaucoup plus grande à ce personnage. J'ai réécrit
tout le scénario pour introduire Ada comme héroïne et pour transformer
ce qui était à l'origine un one-shot en un premier volume d'une
série. Et le projet ainsi remanié est passé chez Glénat.
Le format carré a-t-il eu des implications
au niveau du scénario ?
Pas tellement. Si ce n'est que l'éditeur nous a demandés d'avoir
de temps à autre des grandes cases, allant même jusqu'à une seule
case par page. Bien évidemment, j'ai dû en tenir compte dans le
découpage. Car cela diminue le nombre de cases et surtout, cela
nécessite un choix judicieux du contenu des cases qui prennent l'entièreté
de la page. Il faut que cela ait un intérêt. Il ne s'agit pas d'étaler
simplement n'importe quoi sur la totalité de la planche.
Votre éditeur vous a-t-il donné d'autres
directives au cours de la réalisation de l'album ?
Non. Nous avons disposé d'une totale liberté. Ce qui est une belle
marque de confiance, car il faut savoir que lorsque nous avons signé
le contrat, nous n'avions qu'un synopsis, dix planches dessinées
et dix-sept de scénario.
Quel est le fil conducteur de la série
Ada Enigma ?
C'est une série fantastique. Le lecteur qui aime le fantastique
retrouvera un récit fidèle à ce genre. Mais le lecteur plus rationaliste
aura des pistes qui lui permettront de trouver une explication logique
à tout ce qui se passe. Ce sera au lecteur de décider. Nous n'imposerons
jamais une vision bien précise des faits présentés. Le lecteur suivra
la piste qui lui conviendra le mieux.
Propos recueillis par
Marc Carlot, le 19 septembre 2000.
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notre autorisation. Merci.
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