Les Spectres du Caire - Extrait de la planche 23

La rencontre avec Vincent Dutreuil, le dessinateur de Ada Enigma, s'est effectuée d'une manière un peu particulière. Comment cela s'est-il passé ?
J'étais à la recherche de dessinateurs depuis des années. Je suis tombé, un jour, sur un message de Vincent sur le forum fr.rec.arts.bd. Il cherchait un scénariste. Je lui ai adressé un mail et nous avons commencé à correspondre. Je lui ai envoyé une série d'idées de scénarios. C'est Les Spectres du Caire qui a retenu son attention. Nous avons donc travaillé sur le sujet en nous échangeant des tas de messages électroniques. Il a fallu près d'un an avant qu'on ne se rencontre réellement, en chair et en os.

Le scénario des Spectres du Caire était-il déjà dans vos boîtes à idées ou a-t-il été imaginé en fonction des envies du dessinateur ?
Je lui avais d'abord soumis d'autres propositions. Ces sujets ne l'emballaient pas particulièrement. J'ai donc essayé d'imaginer des pistes de scénarios rencontrant plus ses aspirations et étant en meilleure adéquation avec son graphisme. C'est de là qu'a découlé ce récit empreint de fantastique se déroulant au début du 20e siècle dans une ville arabe. Chacun de nous a apporté ses idées pour créer ce scénario.

Pourquoi avoir localisé cette histoire au Caire précisément ?
Je suis passionné par l'Orient. Lors d'un voyage d'un mois en Egypte, j'ai séjourné une semaine au Caire. C'est une ville tout à fait fascinante, surtout les vieux quartiers qui datent du début du siècle. Je connaissais l'existence d'un cimetière désaffecté tel qu'il se retrouve dans notre récit. La seule différence est que le cimetière réel n'a été désaffecté qu'au cours des années 70.
De plus, l'ambiance de cette ville, avec ses ruelles, ses échoppes, cadre bien avec le dessin de Vincent.

La documentation pour reconstituer l'atmosphère de cette ville sous l'empire colonial britannique n'a-t-elle pas été trop difficile à trouver ?
Lors de mon séjour, j'avais pris beaucoup de photos du Caire. J'ai complété cela par des copies de documents provenant de la bibliothèque universitaire de Louvain-La-Neuve, qui est bien fournie sur le sujet. Vincent a également trouvé quelques livres de son côté. Tous ces documents nous ont aidé à rendre au mieux l'ambiance du lieu.

Comment avez-vous abouti avec votre projet chez Glénat ?
C'est un peu la chance et le hasard, et le fait de tomber au bon moment, qui nous ont permis d'être édité chez Glénat. Nous avons commencé en mai 1999 à démarcher les éditeurs. Le premier éditeur que nous avons rencontré était Glénat à Paris. Ils nous ont gentiment dit que, bien que notre travail soit bon, ils ne voyaient pas dans quelle collection ils pouvaient l'intégrer. Nous avons poursuivi notre tour des éditeurs. Grosse surprise en septembre 1999, Paul Herman, directeur de Glénat Bénélux (Bruxelles) nous appelle. Il souhaite nous rencontrer. Nous nous rendons donc au siège bruxellois de Glénat et il nous explique que notre récit, moyennant quelques aménagements, pourrait être repris dans la collection Carrément BD qu'il est en train de mettre en place.

De quels aménagements s'agissait-il ?
D'abord, il y avait le format particulier de cette collection. Comme son nom, l'indique l'album est carré. Les planches devaient donc se soumettre à ce format inhabituel. Ensuite, Paul Herman souhaitait une série. Or, notre projet était prévu pour un one-shot. Il nous a fallu modifier le scénario pour en sortir un héros.

Les Spectres du Caire - Extrait de la planche 4

Comment le choix du héros s'est-il porté sur Ada ?
Au départ, seuls Dalguir, Kalilil et les deux anglais stupides occupaient une place importante dans l'histoire. Ada ne faisait qu'une courte apparition dans une case. En voyant cette jolie jeune femme dessinée par Vincent, je m'étais dit que je la reprendrais dans la suite du récit, mais sans savoir comment je la ferais intervenir.
Lorsque nous avons dû chercher un personnage récurrent pour la série, nous avons passé en revue, avec Paul Herman, les différents protagonistes de l'histoire. Finalement, je suis tombé un peu par hasard sur le dessin d'Ada et je lui ai proposé d'en faire l'héroïne. Il a tout de suite accepté.

Le scénario a dû être sérieusement modifié suite à sa venue.
Oui. Il a fallu trouver un titre à la série et donner une importance beaucoup plus grande à ce personnage. J'ai réécrit tout le scénario pour introduire Ada comme héroïne et pour transformer ce qui était à l'origine un one-shot en un premier volume d'une série. Et le projet ainsi remanié est passé chez Glénat.

Le format carré a-t-il eu des implications au niveau du scénario ?
Pas tellement. Si ce n'est que l'éditeur nous a demandés d'avoir de temps à autre des grandes cases, allant même jusqu'à une seule case par page. Bien évidemment, j'ai dû en tenir compte dans le découpage. Car cela diminue le nombre de cases et surtout, cela nécessite un choix judicieux du contenu des cases qui prennent l'entièreté de la page. Il faut que cela ait un intérêt. Il ne s'agit pas d'étaler simplement n'importe quoi sur la totalité de la planche.

Votre éditeur vous a-t-il donné d'autres directives au cours de la réalisation de l'album ?
Non. Nous avons disposé d'une totale liberté. Ce qui est une belle marque de confiance, car il faut savoir que lorsque nous avons signé le contrat, nous n'avions qu'un synopsis, dix planches dessinées et dix-sept de scénario.

Quel est le fil conducteur de la série Ada Enigma ?
C'est une série fantastique. Le lecteur qui aime le fantastique retrouvera un récit fidèle à ce genre. Mais le lecteur plus rationaliste aura des pistes qui lui permettront de trouver une explication logique à tout ce qui se passe. Ce sera au lecteur de décider. Nous n'imposerons jamais une vision bien précise des faits présentés. Le lecteur suivra la piste qui lui conviendra le mieux.

Les Spectres du Caire - Extrait de la planche 24

Propos recueillis par Marc Carlot, le 19 septembre 2000.
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Illustrations © Dutreuil, Maingoval, Glénat

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