Mezek
Scénario : Yann
Dessins et couleurs : André Juillard
Le Lombard, collection Signé
Entre héroïsme et culpabilité
La Mule (Mezek en tchèque) était un avion de chasse ainsi surnommé en raison de la difficulté de son pilotage en particulier lors du décollage et de l'atterrissage. Avia S-199, son vrai nom, est en fait le célèbre Messerschmitt Bf 109 allemand auquel a été greffé un lourd moteur Junkers JuMo 211 après l’effondrement du nazisme. En 1948, lors du conflit israélo-arabe, l'aviation israélienne naissante, victime d’embargo, ne put acquérir que 25 de ces avions. Ce contexte de la fondation de l’Etat d’Israël sert de toile de fond de cet album événement réunissant André Juillard et Yann.
Au lendemain de la création d’Israël en avril 1948, une coalition arabe attaque le pays. Dans l’urgence, les Israéliens font appel à des mercenaires autant pour le coup de main que pour former leurs soldats. La base aérienne du Squadron 101 doit ainsi faire face à un défi multiple : maintenir une cohésion entre une troupe très diverse, résister à l’Irgoun, l’organisation armée sioniste dissidente de Begin, réussir à dompter des avions peu fiables, empêcher les attaques ennemies, se procurer des avions en nombre et qualité suffisante. Le héros Björn est le chef instructeur. Cet excellent pilote s’est présenté comme suédois. Pourtant on sent qu’il porte un lourd secret…
Drôle de personnage que ce Björn. Avec ses yeux clairs, ses cheveux blonds, son corps de rêve, il collectionne les conquêtes féminines, à moins que ce ne soit le contraire. Il a l’air absent et fade. Dans une position complexe, il est logiquement tourmenté entre sa mission et ses sentiments intimes, entre héroïsme et culpabilité. Tout l’art des auteurs est de lever progressivement le voile sur ce personnage tellement ambigu qu’il fascine. En situant les scènes à la base aérienne, au Goliyam bar de Tel-Aviv et à la plage d’Herzliya, l’essentiel de l’intrigue suit une construction très classique. La forme l’est moins avec des scènes oniriques et flash-back. Toute l’intrigue se passe dans un contexte historique et politique parfaitement et objectivement campé. Même si André Juillard n’est pas un spécialiste de combat aérien, il réalise un album très expressif plein d’élégance jusqu’à ses couleurs d’une grande sensibilité et parfois avec des jeux d’ombres – à l’image de la couverture – particulièrement appropriés.
En clair, un album à ne pas manquer avec son carnet de croquis Collector en addition.