Pierre Goldman, la vie d'un autre

Scénario, dessins et couleurs : Emmanuel Moynot

Futuropolis

Plus qu'un roman graphique

Les biographies en bande dessinée s'intéressent à des personnalités d'exception. Chez Glénat, une nouvelle collection Explora sera bientôt consacrée aux grands explorateurs. Dernièrement, le même éditeur s'est fait remarquer par une biopic d'un personnage controversé avec l'excellente série Il était une fois en France de Fabien Nury et Sylvain Vallée, dont le dernier volume est prévu à l'automne. Justement, Futuropolis propose de mieux cerner l'un des cas judiciaires les plus complexes de la Ve République : le cas de Pierre Goldman.

Ses racines et sa personnalité se rapprochent de celles de Joseph Joanovici : né en France de parents résistants et communistes, d'origine juive et polonaise, Pierre Goldman est lui-même devenu militant d’extrême gauche et guérillero révolutionnaire au Venezuela avant de devenir braqueur pour financer sa vie insouciante et enfin écrivain. Accusé du meurtre de deux pharmaciennes au cours d'un hold-up en décembre 1969 qu'il a toujours nié et qui n'a jamais été prouvé, il sera lourdement condamné en 1974, acquitté en 1976, puis assassiné en 1979. Il avait 34 ans. Ses procès ont véritablement déchainé les passions et généré des soutiens et des attaques les plus enflammés.

Partant de l'incident clé qui marquera la vie de Pierre Goldman, Emmanuel Moynot tente de reconstituer l'histoire du jeune homme. Il s'essaye dans le rôle d'interviewer et obtient des témoignages inédits de personnes ayant côtoyé l'assassin présumé assassiné. L'album se compose de reconstitutions en bande dessinée dans un style réaliste fluide, simplifié à l'aquarelle noir et blanc, non sans faire penser à Jacques Tardi. Il raconte à la première personne l'histoire supposée vue par le protagoniste lui-même. Il comprend aussi des retranscriptions d'entretiens d'Emmanuel Moynot avec les témoins, illustrées par des croquis semblables aux dessins de presse. Il ajoute une annexe reprenant une publication dans Les Temps modernes de 1980 et de 1971. Le tout démontre une volonté de rassembler tout ce qui est épars sur le sujet par une documentation approfondie et une recherche de nouveaux témoignages, pour mieux comprendre l'énigme de l'assassinat de Pierre Goldman. Et à la manière d'un journaliste, Emmanuel Moynot présente un enchainement de faits sans tenter d'influencer le lecteur sur leur sens.

Une vraie et brillante enquête journalistique.