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Charonne - Bou Kadir  : 61-62 une enfance à la fin de la Guerre d'Algérie, par Jeanne Puchol (Tirésias)

Charonne - Bou Kadir

61-62 une enfance à la fin de la Guerre d'Algérie

Scénario et dessins : Jeanne Puchol

Tirésias

Souvenez vous de Charonne...

Deux manifestations pacifiques mais interdites à Paris ont terni et marqué la fin de la Guerre d'Algérie. Celle du Métro Charonne du 8 février 1962, celle du 17 octobre 1961. Les deux ont été réprimées dans le sang par le Préfet Maurice Papon, quelques mois ou semaines avant les accords d'Évian débouchant sur l'indépendance d'Algérie. D'un côté les forces de gauche, Parti Communiste en tête, s'insurge contre les attentats de l'Organisation Armée Secrète (OAS) et la Guerre d'Algérie. D'un autre, la Fédération de France du Front de Libération Nationale (FLN) appelle à manifester contre le couvre-feu qui est imposé aux « Français musulmans d'Algérie ». Cinquante ans après, plusieurs albums ont illustré le massacre du 17 octobre 1961 ayant fait des dizaines, voire des centaines de victimes.

Avec ce roman graphique, Jeanne Puchol revient sur toute cette période de 1961 à 1962 et évoque notamment avec précision l'autre marche qui fera 9 morts parmi les militants du PCF et de la CGT. Inscrit dans une collection d'essais historiques, son ouvrage ne s'en démarque pas par une couverture sobre que rien ne présage le contenu graphique : « Enfin une bande dessinée est un livre comme un autre, que rien ne différencie au premier abord ! », explique Jeanne Puchol. Mélangeant les approches historiques et factuelles, les souvenirs et les digressions symboliques, ce roman graphique est publié par les éditions Tirésias dirigées par Michel Reynaud, spécialisé sur les sujets mémoriels, avec qui  l'artiste collabore depuis 20 ans.

Jeanne Puchol ne se cache pas de son côté militant. Elle sait ce que manifester signifie. Elle connaît la véritable valeur de l'engagement. Et elle cultive le nécessaire devoir de mémoire. Avec ce récit sur les deux dernières années de la guerre d’Algérie, elle revient sur un moment qui l'a marqué alors qu'elle n'avait pas encore cinq ans et cherche à transmettre la mémoire. L'album est construit comme une discussion à l'heure du thé avec ses parents qui tentent de recouvrer la mémoire et reconstituer l'enchaînement des faits. Dans ces pages narratives, seules les mains sont visibles pour mieux concentrer l'attention sur le propos. Ensuite, l'auteure traduit les images fortes de l'époque dans un joli dessin noir et blanc à l'encre de Chine, avec une forte densité de noir renforcée à la peinture acrylique. Elle multiplie les effets et les audaces graphiques avec des jeux de mots éclairants. Quelques petites clés supplémentaires : Charon est dans la mythologie grecque, le « nocher des Enfers », mais aussi une ville en Algérie rebaptisée depuis en Boukadir depuis la décolonisation.

Un témoignage sincère et utile qui remplit son objectif pédagogique pour évoquer un conflit tragique dont l'auteure dénombre les victimes dans tous les camps entre 350 et 450.000 personnes.

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Manuel F. Picaud

Pour en savoir plus : Blog de Jeanne Puchol

03/05/2012