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Egon Schiele : Vivre et mourir, par Xavier Coste (Casterman)

Egon Schiele

Vivre et mourir

Scénario, dessins et couleurs : Xavier Coste

Casterman

Le peintre à scandale

Les biographies des peintres célèbres sont à la mode en bande dessinée. Le jeune auteur Xavier Coste propose un biopic d'Egon Schiele, sous-titré Vivre et mourir, plus de 20 ans après le film allemand Egon Schiele, enfer et passion, avec Mathieu Carriere et Jane Birkin. D'autres auteurs l'ont précédé dans cette voie comme Joann Sfar avec Chagall en Russie chez Gallimard, Clément Oubrerie et Julie Birmant  avec Pablo Picasso chez Dargaud, et Gradimir Smudja avec Vincent et Van Gogh ou Le Bordel des muses sur Toulouse Lautrec chez Delcourt. On pourrait citer aussi chez Dupuis Thierry Bellefroid et Joe Pinelli pour Féroces Tropiques sur un peintre supposé réel mais imaginaire, l'Allemand Heinz, dans la collection Aire Libre, ou Frank Giroud et Homs pour une histoire romancée du tableau L'Angélus de Millet dans la collection Secrets. Cette tendance est somme toute naturelle tant les passerelles entre les deux arts sont évidentes.

Egon Schiele voulait être un grand maître incontesté que tout un chacun connaît. Disciple affiché de Gustav Klimt, représentant du Jugendstil, il évolue en ce début du XIXe siècle en Autriche. Le jeune homme doué refuse de poursuivre les cours trop classiques à l'Académie des Beaux-arts de Vienne où il est entré à l'âge de 16 ans. Il a soif de liberté autant artistique que sexuelle, mêlant allègrement les deux dans des peintures aussi torturées que provocantes, dans une société très conservatrice. En une douzaine d'années, il va réaliser trois cent tableaux principalement expressionnistes, d'un graphisme aigu et tourmenté, et et trois milles dessins, aquarelles et gouaches. Mais, à seulement 28 ans il est emporté par la grippe espagnole...

À 22 ans seulement, Xavier Coste livre une étonnante et percutante biographie par sa sensibilité et la justesse du ton, sans jamais tomber dans le didactisme. Il réussit à traduire l'impérieux besoin de peindre du jeune génie orgueilleux, égocentrique et excessif et de se faire un nom quitte à choquer la société bien pensante et à se faire condamner à la prison. Il s'immisce dans les relations tumultueuses que le jeune séducteur entretient avec ses modèles, en particulier Wally Neuzil ou sa future femme Edith Hams. Il tente de décrypter l'âme sombre de l'artiste qui trouve aussi difficile de vivre que de mourir. L'ensemble bien rythmé et très vivant, entrecoupé par quelques cases de pleine page, est servi par un graphisme en plein accord avec la nervosité et la mélancolie du sujet et une mise en couleur subtile et joliment texturée. L'album contribue au souhait du peintre de laisser une trace et incitera le lecteur à découvrir ses œuvres, exposées principalement à Vienne aujourd'hui, et qu'il évite de reproduire dans l'album.

Un jeune auteur très talentueux à suivre.

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Manuel F. Picaud
01/08/2012