Alix Senator
Tome 1 : Les Aigles de sang
Scénario : Valérie Mangin avec Denis Bajram
Dessins et couleurs : Thierry Démarez
Casterman, collection Jacques Martin
Les aigles assassins
Dans le neuvième art, la tendance est à la capitalisation sur les valeurs sures. Face à une explosion de la production, les lecteurs se réfugient en effet plus souvent dans les séries éprouvées. Trente-deux mois après la disparition de Jacques Martin, sa série emblématique Alix s’enrichit d’une nouvelle extension. Valérie Mangin a su convaincre les héritiers et l’éditeur Casterman de poursuivre l’aventure du jeune gallo-romain sous Auguste, en 12 av. JC, plus de trente ans après les dernières aventures.
Alix a 54 ans. Il a conservé sa chevelure épaisse, mais il a blanchi et pris quelques rides. Le citoyen par adoption a même été désigné sénateur, l’un des postes politiques les plus en vue. Son nouveau mentor Octave est devenu le premier empereur romain en 27 av. JC sous le titre d’Auguste.
En fait, dans Le Tombeau étrusque, un aigle – représentant symbolique de Jupiter – avait laissé un présage : en rendant son morceau de pain à Octave en présence d’Alix et Énak, il le désignait comme le « futur maître du monde ». Effectivement, à l’issue d'une longue guerre civile, celui-ci obtient enfin tous les pouvoirs. La dernière étape est son élection au Grand Pontificat au temple de Jupiter Capitolin après qu’un aigle géant a tué le titulaire précédent, Lépide, ami de César et rival d’Auguste.
Quelque temps après, le général Agrippa, gendre d’Auguste et successeur désigné, est lui aussi foudroyé par un aigle aux serres d’or. Même si les causes des deux décès sont secrètes, cette funeste coïncidence désigne Auguste. Ce dernier confie alors au sénateur Alix le soin d’élucider ce mystère et de le disculper. Est-ce une malédiction liée à Jupiter représenté par son prêtre Merula ? Ou un complot ourdi par les opposants d’Auguste – son entourage le plus proche, comme son épouse Livie ou son général Rufus, voire lui-même ?
La nouvelle série se présente comme un polar à l’époque romaine. La résolution habile, certes partielle, intervient au cours de ce premier volet du triptyque annoncé. L’album s’inscrit dans la continuité de la série-mère, tout en relançant le scénario dans les arcanes du pouvoir et de la religion romaine.
Après ce presque huis-clos à Rome, le prochain épisode conduira les héros en Égypte, avant le Moyen-Orient dans le tome 3. Il faudra attendre encore plus pour mieux comprendre ce rôle de sénateur qui apparaît pour l’instant surtout comme un gadget permettant de faire évoluer la série. Or, Alix, comme acteur de la cité, constitue un développement intéressant.
Réalisant cette suite de manière traditionnelle, jusqu’aux couleurs à l’acrylique, le dessinateur Thierry Démarez s’appuie sur une documentation rigoureuse pour peindre de nombreux décors qui renouent avec les codes de Jacques Martin, mais dans un style alerte et modernisé, bon compromis entre l’École de Bruxelles et le réalisme de Philippe Delaby dans Murena.
Indéniablement une réussite totale !