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Jim Henson’s Tale of Sand, par Jim Henson et Jerry Juhl, Ramón K. Pérez (Paquet)

Jim Henson’s Tale of Sand

Scénario : Jim Henson et Jerry Juhl
Dessins : Ramón K. Pérez
Couleurs : Ramón K. Pérez et Ian Herring

Paquet

Course délirante dans le désert

L'histoire de ce roman graphique est en soi un récit passionnant. Beaucoup de francophones ne connaissent pas Jim Henson (1936-1990), ni Jerry Juhl (1938-2005). Ils sont les auteurs initiaux de ce livre. Ils avaient en fait écrit un script pour le cinéma. Le premier est l'une des personnalités les plus marquantes et les plus innovantes de l'audiovisuel américain, le créateur et producteur du célébrissime The Muppet show et du programme jeunesse Sesame Street. Avec son partenaire d'écriture, il voulait réaliser en 1967 un long métrage détonnant, sorte de road-movie dans le désert. Mais pris par son activité télévisuelle et n'ayant pas trouvé de producteur, ils se sont arrêtés à la 3e version papier en 1974. Le synopsis a été retrouvé bien plus tard par l'archiviste de la Jim Henson Company. Plutôt que de faire enfin le film, l'idée a été de le l'adapter en bande dessinée. Le Canadien Ramón K. Pérez fut choisi pour cette performance totalement surréaliste. L'album est sorti chez Archaia Entertainment en janvier 2012 puis en novembre chez Paquet grâce à une traduction de Patrick Marcel.

Mais que pousse le jeune Mac à la gueule carrée à courir à toute vitesse dans le désert américain ? Un défi irrationnel... Encouragé par tout un village en liesse et son shérif, il est littéralement poussé à rejoindre « la montagne de l’aigle » avant de se faire rattraper par des poursuivants. Il n'a que dix petites minutes d'avance sur des créatures aussi incroyables que des Indiens, des chasseurs, un lion, un char, un sultan, une équipe de football ... Une course folle aussi surréaliste qu'initiatique.

Ce très joli album donne un coup de folie bienvenu. Ramón K. Pérez réussit la prouesse de mettre en images ce délire. Il donne envie d'en comprendre le sens mais n'en laisse pas le temps à la première lecture. Il entraîne son lecteur dans le même rythme que son héros oscillant entre rêve et cauchemar. Cette transposition habile et parallèle est rendu possible par un découpage audacieux, multipliant les champs et les plans, un dessin d'une belle clarté, des couleurs lumineuses et une expressivité tirée du comics. Que chercher dans tout cela ? Dans un monde qui ne prend pas le temps, les auteurs essaient peut-être de montrer une course entre le bien et le mal qui se confondent, une course où la clé n'ouvre aucune porte... Peut-être, car l'intérêt de ce roman graphique est de pouvoir se libérer de tout préjugé et d'accepter de se perdre avec les auteurs et le héros.

Cet album est tout simplement une pépite à lire absolument. Il a été triplement récompensé en 2012 avec les Eisner Awards du meilleur roman graphique, du meilleur encrage de Ramón K. Pérez et du meilleur design (maquette et mise en page) par les éditions Archaia. Le dessinateur est aussi primé au Canada aux Joe Shuster Awards comme auteur de bande dessinée exceptionnel et obtient deux Harvey Awards du meilleur album original et meilleur one-shot.

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Manuel F. Picaud

 

 
17/12/2012