Les Gens normaux
Paroles lesbiennes gay bi et trans
Scénario : Hubert
Dessins : Collectif de 11 dessinateurs
Casterman / bd BOUM, collection Écritures
Témoignages LGBT
Quelques mois après l'adoption du mariage pour tous, la bande dessinée semble prise d'une frénésie de parler des homosexuels, comme si les auteurs avaient conscience d'un débat faussé, injurieux et contraire à leurs valeurs. Le festival de blois, bd BOUM, à l'orientation sociétale marquée, a anticipé le sujet en proposant en 2011 à Hubert la réalisation d'un collectif astucieux et original. Publié dans la prestigieuse collection Écritures chez Casterman, le roman graphique en noir et blanc, Les Gens normaux, donne la parole à des lesbiennes, gays, bis et trans" (LGBT) et propose des portraits souvent émouvants, parfois révoltants, toujours soignés de personnes anonymes ou pas, qui font la richesse de la société et d'une population dite marginale, plus diverse que jamais.
extrait © Alexis Dormal - Hubert |
Hubert signe l'ensemble des textes percutants, les découpe, les ordonne et orchestre toute la réalisation de cet ouvrage original, sensible, réfléchi et juste. Il a rencontré une douzaine de témoins grâce au Centre LGBT de Tours et enregistré puis adapté 150 heures d'entretiens. Il commence par une claque avec l'évocation du VIH qui touche toujours fortement les gays. Alexis Dormal atténue ce récit émouvant par son dessin fin et sensible. Il pousuit avec le portrait de Farid, un gay en souffrance, guère attachant, dont Jéromeuh donne un visage contrastant avec le propos. Entre les deux, il intercale une évocation de l'homoparentalité avec l'exemple concret d'Astrid et Nolwen, dessiné de manière gracieuse par Virgine Augustin. Vient ensuite le récit le plus cruel d'un jeune gay d'origine africaine persécuté pour son homosexualité, que Merwan illustre à la manière d'un carnet de voyages en décalage avec la dureté du récit. À chaque fois, les dessinateurs portraitent leur scénariste mis en scène dans ses interviews.
Les Gens normaux sont donc un kaléidoscope de la population LGBT. La somme des parcours et des situations remet en cause l'idée d'une communauté unique, mais la décrit bien plurielle, mais souvent douloureuse. Chaque profil incarne une situation différente. On y parle du VIH, de l'homophobie, du désir d'enfant, de comportement sexuel, de religion, de transsexualité, de recherche d'identité sexuelle, de bisexualité, de préjugés... On y réfléchit aussi avec des papiers signés par des chercheurs, militants et politiques, tels Michelle Perrot, Louis-Georges Tin ou Robert Badinter. Au final, l'ensemble fait mouche et gagne le pari d'évoquer son sujet sans caricature, et sans parisianisme. La palette de dessinateurs donne une certaine homogénéité. On regrettera la trop petite taille de certains textes.
Véritable oeuvre journalistique, cet épais album de 230 pages s'adresse pour tout public, et donne des bases sérieuses et documentées pour aborder cette question de société. À lire absolument.