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Violette Nozière, vilaine chérie, par Eddy Simon, Camille Benyamina, collection Univers d'auteurs (Casterman)

Violette Nozière, vilaine chérie

Scénario : Eddy Simon
Dessins et couleurs : Camille Benyamina

Casterman, collection Univers d'auteurs

Celle que l'on désigne à tous

"J'ai compris que je ne pourrais jamais oublier le boulet que je traînerai jusqu'à ma dernière misérable seconde. Je serai toujours Violette Nozière, celle que l'on désigne à tous !"

Un parricide, l'évocation d'un inceste supposé, la peine de mort puis la grâce présidentielle, et surtout, surtout, la personnalité de l'accusée, autant d'éléments qui ont contribué au retentissement de l'affaire Violette Nozière et de son procès, retentissant et très médiatisé, dans les années 1930. Déjà évoqué au cinéma par Claude Chabrol (1978), le parcours de celle que l'on surnomma, à l'époque, "l'empoisonneuse de le rue de Madagascar" est aujourd'hui retracé par le journaliste Eddy Simon et la jeune illustratrice Camille Benyamina.

Plutôt qu'aux aspects judiciaires du fait divers, les auteurs se sont attachés au portrait de Violette. Peut-être devrait-on accorder le pluriel à "portraits", tant l'image de la jeune femme semble complexe. Entre la gamine rêveuse à la recherche du prince charmant qui étouffe dans son cocon (carcan ?) familial à la criminelle froide et déterminée, en passant par la jeune femme frivole avide de plaisirs, on a parfois l'impression que les masques se succèdent sur le visage de Violette. Alors que son côté manipulateur lui permet de se jouer de son entourage. Qui était-elle vraiment ? Ce bel album ne répond pas à cette question, et le personnage conserve sa part de mystère et toute son ambigüité.

Les auteurs nous entraînent facilement dans son sillage. On ressent que le scénario a été très travaillé, et le lecteur est confronté aux multiples contrastes induits par cette personnalité. Le séduisant dessin de Camille Benyamina aurait pu chercher à s'inscrire dans les codes du polar ou du thriller, à développer une ambiance sinistre. Ce n'est pas vraiment le cas. Les faits, en eux-mêmes, sont suffisamment sombres et troublants, et parfois, au détour d'une case, un regard suffit à donner froid dans le dos.

Un court dossier historique complète cet album étonnant qui croise, d'une certaine manière, ceux récemment consacrés à Evelyn Nesbith (Eve sur la balançoire) ou à... Médée chez le même éditeur. Une réussite !

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Pierre Burssens

23/01/2014