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Le Muret, par Céline Fraipont, Pierre Bailly, collection Ecritures (Casterman)

Le Muret

Scénario : Céline Fraipont
Dessins : Pierre Bailly

Casterman, collection Ecritures

Au bord du vide

Coutumiers du rayon "tout-petits" avec leur remarquable Petit poilu (Dupuis), on retrouve avec une certaine surprise Céline Fraipont et Pierre Bailly dans un registre complètement différent.

À treize ans, Rosie vit une situation peu commune : ses deux parents sont durablement éloignés et ne s’occupent d’elle qu’épisodiquement. La jeune ado doit se débrouiller seule au quotidien. De plus en plus isolée, elle en vient à se réfugier dans l’alcool. Suivent l’absentéisme scolaire, la rencontre d'un gentil voyou... et un cheminement hasardeux entre les tentations et les interdits pour ces deux éclopés de la vie.

Les auteurs auraient aisément pu tomber dans le pathos ou la violence pour nous conter cette histoire. Ils évitent ces pièges et nous livrent, au contraire, un récit tout en retenue et en pudeur. C'est par petites touches qu'ils nous brossent ce portrait sensible et touchant d'une ado déboussolée, au bord du vide. Rosie glisse peu à peu sur une pente dangereuse, s'en rend compte, se questionne... mais ne peut s'empêcher de s'y laisser aller.

Pierre Bailly a développé un style en noir et blanc s'adaptant à ce roman graphique et aux émotions qu'il distille. On se trouve loin d'un dessin jeté, parfois reproché à ce type d'ouvrage. Le dessinateur exploite complètement les contrastes du noir et blanc et les fait vibrer. Certaines planches semblent dépouillées et lumineuses, faisant la part belle au trait, alors que pour d'autres les images se rapprochent tantôt de la gravure ou se teintent d'onirisme ou d'abstraction.

Céline Fraipont situe l'histoire de Rosie en 1988 et c'est avec plaisir et un brin de nostalgie que l'on retrouve disques, posters, walkman ou jeux vidéo caractéristiques de cette période qui nous semble déjà un peu lointaine.

Pétri d'humanité et de sensibilité, Le Muret se doit d'être escaladé et découvert. Son propos sonne juste et on ne sort pas totalement indemne de sa lecture. La petite bouille fragile de Rosie vous suit pour longtemps !

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Pierre Burssens
11/02/2014