Auracan » chroniques » Lip : Des héros ordinaires
Lip : Des héros ordinaires, par Laurent Galandon, Damien Vidal (Dargaud)

Lip

Des héros ordinaires

Scénario : Laurent Galandon
Dessins : Damien Vidal

Dargaud

Indignez-vous !

Depuis ses débuts dans l'univers du cinéma d'auteurs, puis ses premiers albums dans la collection Grand Angle chez Bamboo, Laurent Galandon s'est forgé la réputation d'un scénariste sérieux touchant des sujets sociaux ou historiques sensibles sous forme de fiction. Il ne déroge pas à cette régle ici, même si ce nouveau roman graphique s'inscrit presque dans la bande dessinée de reportage au coeur d'une des pages les plus célèbres du mouvement ouvrier en France. Il se déroule à la fin des Trente glorieuses, cette période ininterrompue de croissance économique, qui va brusquement être stoppée par le premier krach pétrolier. Mais les événements en question précèdent la crise. Et ils démontrent les affres du capitalisme.

En 1973, Lip, société horlogère de Besançon, vit des heures graves. Démission du dirigeant, menace de dépôt de bilan... Pour les 1300 salariés dévoués, en grande partie des femmes, le choc est d'autant plus rude que l'entreprise, également diversifiée dans le matériel militaire, des machines-outils et des pièces pour les satellites, produit un demi million de montres de qualité par an. La résistance s'organise alors, sous une forme originale, montrant la voie de la cogestion. Le pire que le patronat et le gouvernement de Pompidou puisse accepter...

Préfacé par Jean-Luc Mélanchon (est-il besoin de rappeler qu'il est le leader du Front de Gauche ?) et conclu par Claude Neuschwander, le PDG de LIP de 1974 à 1976, ce récit plein d'humanité fait réaliser la violence la mondialisation et d'agents économiques et politiques. Il donne un exemple de lutte qui aurait pu marcher. Elle peut inspirer d'autres à "devenir militants pour changer la société qui, sinon, va finir par nous exploser à la figure". Il y avait un téléfilm sur le sujet, mais Laurent Galandon donne une dimension plus profonde à l'enchainement des événements. Il trouve l'angle de quelques personnages pour nous faire vivre dans l'intimité cet épisode de combat pour la survie d'une industrie. Et cet ensemble est mis en images en noir et blanc par Damien Vidal. Il adopte un trait à la fois distant et précis, particulièrement bien documenté. Il s'attarde sur les personnages, leurs expressions terriblement vivantes.

Un excellent roman graphique qui fait réfléchir !

Partager sur FacebookPartager
Manuel F. Picaud
23/03/2014