Auracan » chroniques » Le Serpent d'eau
Le Serpent d'eau, par Tony Sandoval, collection Calamar (Paquet)

Le Serpent d'eau

Scénario, dessins et couleurs : Tony Sandoval

Paquet, collection Calamar

Comme la lumière des étoiles mortes...

Alors qu’elle nage au détour d’une rivière, Mila rencontre l'étrange Agnès. Entre ces deux filles solitaires va naître une amitié profonde, fraternelle, presque physique. D’histoires en escapades, d'énigmes en jeux parfois cruels, Mila la brune et Agnès la blonde nous convient en un lieu hors du temps, et au-delà des apparences...

Que l'on ne se laisse pas tromper par la couverture, Le Serpent d'eau n'est nullement un récit destiné aux enfants. Tony Sandoval s'impose peu à peu comme un grand du fantastique, à la fois par ses talents graphiques, la qualité de son écriture et le regard neuf qu'il porte sur certains thèmes du genre. Il nous offre ici un conte envoûtant, sombre, mais qui ne manque pas, non plus, de poésie. Outre la rencontre d'Agnès et Mila, et leur relation (qui rappelle quelque peu le très beau roman Morse de John Ajivide Lindqvist et ses deux adaptations cinématographiques), Tony Sandoval prend pour point de départ de ce nouvel univers la symbolique (parfois mortifère) de la dentition. Il dote les dents d' une existence qui leur est propre, au service d'Agnès et au secours de Mila qui vont devenir actrices d' un affrontement intemporel et onirique.

Le Serpent d'eau regorge de symboles aux étonnants pouvoirs, et de nombreux clins d'oeil aux classiques du genre. En un long récit (100 pages),Tony Sandoval nous promène du gothique à des batailles teintées de fantasy, convoquant au passage un poulpe lovecraftien. Côté dessin, l'auteur mexicain a développé un style délicat, trompeusement fragile, qui renforce encore l'étrangeté de ses histoires. On y retrouvera pour cette fois un petit hommage à Giger et une séquence représentant le passage de l'été à l'automne que n'aurait pas renié le dessinateur britannique Gerald Scarfe dans sa période Pink Floyd.

Parfois effrayant, souvent inquiétant mais tout autant poétique, Le Serpent d'eau, par sa richesse, ses thématiques et sa beauté formelle, transcende les standards de la BD pour aboutir à un... beau livre, original, susceptible de séduire tous les amoureux du genre fantastique, et pas seulement dans le 9ème art. Un vrai coup de coeur !

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens

Du même scénariste :

Les Échos invisibles - T2, par Tony Sandoval, Grazia La Padula

Pour en savoir plus : le blog de Tony Sandoval (en anglais)

11/04/2014