Narcisse
Tome 1 : Mémoires d'outre-monde
Scénario, dessins et couleurs : Chanouga
Paquet, collection Cabestan
Vagues à l'âme
C'est dans un vieux numéro de la revue Histoire de la mer que Chanouga découvre une image de l'authentique Narcisse Pelletier, tatoué, scarifié. Recherches aidant, il nous livre ici l'histoire singulière de ce gamin qui voulait naviguer sur les océans. Echoué sur des rivages océaniens inhospitaliers et que l'on disait peuplé d'anthropophages, le petit mousse vendéen allait pourtant y vivre 17 ans avant de retrouver sa terre natale. Peu de documments existent au sujet de cette aventure hors du commun, et l'auteur comble les "blancs" par son imagination.
Remarqué avec De Profundis, Chanouga entame un triptyque avec ces Mémoires d'outre-monde et nous entraîne dans un univers synonyme d'évasion mais qui se révèle pour le jeune Narcisse particulièrement dur et inquiétant. La mer peut se montrer sans pitié, et nombre de ceux qui la fréquentaient dans les années 1850 s'accordaient à son diapason. L'auteur nous fait emboîter le pas de son héros au plus près, avec beaucoup de sensibilité. Il amène son dessin à plus de réalisme que dans son précédent album et nous offre certaines planches véritablement somptueuses. Le découpage privilégie les grandes cases, et c'est avec plaisir que l'on s'y attarde en les contemplant comme on le ferait de tableaux de peinture. Chanouga y conjugue plusieurs techniques et excelle notamment à recréer différentes atmosphères, d'une désespérante mer d'huile à la moiteur de la forêt tropicale. Répondant au destin extraordinaire de Narcisse, le dessin et les ambiances frôlent parfois les frontières du fantastique.
Album introductif, ce tome évoque les premières navigations de Narcisse jusqu'à l'échouage du Saint-Paul et l'abandon de ce gamin blessé par les hommes d'équipage survivants, en passant par un épisode évoquant l'odieux trafic d'ouvriers chinois, esclaves en devenir, vers les mines d'or australiennes. La mer sur laquelle navigue Narcisse n'est pas toujours déchaînée, mais son horizon semble, en tout cas, rarement clément. Gageons que les deux prochains volets tiendront toutes les promesses de celui-ci, car c'est un très bel album, à lire et à regarder qui nous est ici proposé. Il permet à Paquet d'inaugurer de fort jolie manière une nouvelle collection consacrée aux histoires maritimes baptisée Cabestan.