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Les Larmes du seigneur afghan, par Vincent Zabus d'après un récit de Pascale Bourgaux, Thomas Campi, collection Aire libre (Dupuis)

Les Larmes du seigneur afghan

Scénario : Vincent Zabus d'après un récit de Pascale Bourgaux
Dessins et couleurs : Thomas Campi

Dupuis, collection Aire libre

L'étrangère

La corporation des journalistes est plutôt bien représentée parmi les héros de BD. Pour certains, il s'agit plus d'une dénomination que d'une activité. Ces dernières années, la BD reportage est aussi tendance et se retrouve aujourd'hui dans certains magazines comme La Revue dessinée ou XXI. Les Larmes du seigneur afghan - et les tomes qui le suivront, puisqu'il s'agit du "pilote" d'une série en devenir - propose une troisième formule. En effet, l'album se base sur le récit et l'expérience de Pascale Bourgaux, grand reporter.

Celle-ci part en Afghanistan en 2010 à la rencontre de Mamour Hasan, chef de guerre et de village, qui a résisté aux Talibans. Lors de ce reportage, elle mesure que le village de Dasht-e-Qaleh est sur le point de basculer dans le camp taliban. En cause, une corruption galopante, l'aide internationale détournée, une présence militaire internationale peu adaptée et non exempte de "bavures". Dans quelle direction doit alors se tourner une population extrêmement pauvre et fragilisée ?

Découverte avec le très beau Les Petites Gens (Le Lombard), l'association Vincent Zabus et Thomas Campi adapte, avec Pascale Bourgaux, le récit de son reportage en BD. Ils nous permettent de mesurer toutes les difficultés de ce type de mission, la pression constamment ressentie par cette femme de terrain, le danger omniprésent, les embûches rencontrées pour se faire tolérer dans cet environnement et le combat permanent pour obtenir de l'information sans s'exposer à trop de risques ou y exposer ses interlocuteurs. Au-delà du domaine professionnel, ils esquissent également un beau portrait de femme. Pascale Bourgaux n'est pas une super-woman. Elle est grand reporter, certes, mais aussi épouse et maman. Comment répondre aux appels d'un fils ou d'un mari faisant face aux difficultés quotidiennes ou ménagères alors que l'on se trouve à quelques milliers de kilomètres, dans une zone à haut risque ?

Zabus et Campi effectuent un travail d'adaptation empreint de sensibilité. Il aurait été facile de donner dans le sensationnel. Ils évitent remarquablement ce piège. On imagine aisément, à la lecture, le nombre d'éléments et d'informations que le scénariste a eu à traiter, et on apprend beaucoup sans jamais s'ennuyer. En effet, pas besoin d'en rajouter, le suspense est présent et bien réel. Campi conduit son dessin vers plus de réalisme. Son trait délicat et ses couleurs lumineuses tranchent avec ce que l'on peut avoir comme image du reportage de guerre... ou de paix menacée !

Ces Larmes du seigneur afghan constituent également un bel hommage à toute une profession. Pascale Bourgaux cite trois confrères disparus dans ses remerciements. Il y en a malheureusement eu bien d'autres. Ces artisans aventureux et passionnés de l'information méritent pensées et reconnaissance en parcourant ces pages ou en regardant un journal télévisé. Merci et chapeau à tous !

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Pierre Burssens

Du même scénariste :

Le Monde selon François: L'intégrale, par Vincent Zabus, Renaud Collin

Pour en savoir plus : Le portfolio du dessinateur

11/05/2014