Quatre couleurs

Scénario, dessins et couleurs : Blaise Guinin

Vraoum !

couleur Rouge © Blaise Guinin

Quatre Couleurs, quatuor noir

Avec Quatre Couleurs, Blaise Guinin quitte les terrains de la fable intimiste (En attendant que le vent tourne, Casterman 2011) et du biopic sensible et poétique (Georges et la mort, 12bis 2011) pour s’aventurer sur les sentiers escarpés du roman noir.

Grégoire est étudiant en histoire de l’art. Cynique et velléitaire, il partage son temps entre ses cours, ses longueurs à la piscine municipale et des rêves d’écriture. Grégoire doit impérativement décrocher son année au risque de se voir couper les vivres par ses parents. Il propose alors à son ami Pierre d’échanger leurs identités. Pour améliorer leurs moyennes, pour réussir leurs examens. De la triche en bonne et due forme, un marché de dupe, un jeu dangereux. Un mensonge. De trop, sûrement.

Blaise Guinin a utilisé un stylo quatre couleurs pour composer un roman graphique à l’ambiance visuelle inédite. Bleu, vert, rouge et noir, quatre couleurs et une épure qui confèrent une tonalité particulière à un récit très construit, savamment déstructuré quand l’auteur revisite peintres et peintures célèbres et rend un hommage à la fois appuyé et discret à Munch, Hopper ou Picasso… Comme un retour aux sources et une ode à l’Art avec un grand A.

Côté texte, le choix d’une intrigue tout en analepses et prolepses subtiles dépasse le seul parti pris graphique. Il y a du Philippe Djian dans le texte de Blaise Guinin. Traversé (et presque habité) par des figures féminines séduisantes, objets de fantasmes et héroïnes fortes, Quatre Couleurs est autant un quatuor amoureux au suspense digne d’un roman policier qu’un pur exercice de style figuratif. Quatre Couleurs est l’expression d’une double quête : celle de l’auteur qui cherche la vérité sous la finesse du trait ; celle du personnage principal, Grégoire, qui tente d’échapper à ses contradictions tandis qu’il s’enferme et s’enferre dans ses mensonges.

Les jeux de l’amour et du hasard ne sont pas sans conséquences et avec Quatre Couleurs, Blaise Guinin signe un marivaudage moderne, noir et sensuel. Un roman de la séduction et du mensonge derrière la simplicité apparente de la couleur au stylo bille. Une réussite.