Les Pénates
Scénario : Alexandre Franc
Dessins et couleurs : Vincent Sorel
Arte éditions / Casterman, collection Professeur Cyclope
Agonie douce-amère
Une cellule familiale unie et aimante... Le jeune père et mari, Pierre, est un universitaire, expert de l'antiquité romaine. Il partage sa vie avec Véra, son épouse, et Bérénice, leur mignonne petite fille. Ce tableau familial n'est qu'apparence, car de subtiles dissensions affaiblissent et distendent les relations entre Pierre et Véra. L'arrivée de Simon, vieil ami de Pierre, de passage dans leur foyer après un drame personnel, va cristalliser ce malaise diffus.
Banale, tellement banale aujourd'hui que cette histoire d'un couple fatigué, de plus en plus distant, rongé par la routine et l'ennui, bien éloigné de ses aspirations premières et d'une image idéale, stéréotypée, dictée par la société. Pourtant, même si on a l'impression de connaître ça, directement ou indirectement, Vincent Sorel et Alexandre Franc parviennent aisément à nous faire entrer dans l'univers de Pierre et Véra. Le personnage de Pierre peut faire sourire, intello davantage préoccupé par sa passion du monde romain que par son quotidien, et incapable, à l'image des habitants de Pompéi mis en scène en début d'album, de faire face à la réalité. Et puis il y a Bénénice, petit bout à croquer et ses doudous pénates, petits dieux domestiques romains, témoins de la progressive fragmentation du noyau familial, qui apportent des intermèdes vivants et frais au sein de cette chronique d'une mort (de couple) annoncée.
Les auteurs attribuent au lecteur un rôle de témoin. Celui-ci n'assite pas à de grosses crises ou de grands éclats, mais à une forme d'agonie rendue douce-amère par la forme du récit d'Alexandre Franc et le dessin délicat et plaisant de Vincent Sorel. Le trait de ce dernier pourrait sembler simple et joyeux, il excelle pourtant à restituer ce contexte réaliste et grave.
La justesse du regard porté sur les déboires de Pierre et Véra et celle du ton choisi pour les raconter parviennent ainsi à transcender la grisaille de cet épisode du quotidien. Ceci aboutit à un drôle de petit bouquin fin et intelligent. Initialement créé dans le périodique numérique Professeur Cyclope, Les Pénates ont été spécialement retravaillées pour le passage à la version "papier" et comprennent ainsi 6 pages supplémentaires.
