A la dérive
Scénario, dessins et couleurs : Xavier Coste
Casterman
Eaux troubles
Révélé par son beau portrait d'Egon Schiele, suivi de celui de Rimbaud, Xavier Coste change de registre avec cet aventureux À la dérive, une fiction très librement inspirée du destin d'Eddie Guerin et Chicago May, deux bandits irlandais, célèbres au début du XXème siècle, notamment pour leur casse de l'American Express, en 1903, à quelques pas de l'Opéra Garnier.
L'auteur nous présente ainsi l'histoire d'Eddie et Agatha, deux Américains, qui réalisent le même braquage, mais en 1910, pendant la plus grande crue du siècle. Le couple, croulant sous les dettes et les menaces d'usuriers, s'associe à des "Apaches" parisiens, mais l'attaque tourne mal, et le gardien de la banque est tué. Alors qu'Eddie est appréhendé, sa compagne parvient à s'échapper avec une grosse partie du butin.
Entre polar historique et aventure romanesque, Xavier Coste nous transporte dans une époque à laquelle il est visiblement attaché. On suit avec intérêt, au cours des deux premiers tiers de l'album, la préparation et la réalisation de ce cambriolage dans une ville inondée (la crue avait atteint son maximum le 28 janvier 1910 : 8, 62 m alors que le niveau normal de la Seine était de 3, 80 m), en découvrant aussi la relation assez extrême qui lie les deux protagonistes principaux. Une relation qui conduira Eddie à s'évader du bagne de Cayenne et à entamer un périple désespéré dans le but de retrouver Agatha.
Dans cette dernière partie, le scénario s'avère moins convainquant, mais Xavier Coste y laisse essentiellement s'exprimer son dessin et sa peinture. En effet, l'auteur est également peintre. Ce qui pouvait se deviner dans ses albums précédents se trouve ici davantage exposé et constitue sans aucun doute un des atouts de À la dérive. Il a d'ailleurs choisi de troquer ses outils numériques pour retrouver crayons et pinceaux. L'eau, omniprésente tout au long de l'histoire, lui a inspiré un style nettement plus fluide et une palette de couleurs plus lumineuse que dans ses autres réalisations. Le dessinateur-peintre passe, au gré des rebondissements du récit, du réalisme à la quasi-abstraction, des variations qui concourent aussi à nous faire partager les émotions des personnages. On soulignera également l'originalité du découpage et de la composition de certaines planches, les cases s'intégrant dans des cadres rappelant les motifs de l'Art nouveau, caractéristique de l'époque à laquelle se déroule l'histoire. Un album à lire... et à regarder !