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Les esclaves oubliés de Tromelin, par Sylvain Savoia, collection Aire Libre (Dupuis)

Les esclaves oubliés de Tromelin

Scénario, dessins et couleurs : Sylvain Savoia

Dupuis, collection Aire Libre

La tragédie silencieuse

L'île des Sables, un îlot perdu au milieu de l'océan Indien dont la terre la plus proche est à 500 kilomètres de là... À la fin du XVIIIe siècle, un navire y fait naufrage avec à son bord une "cargaison" d'esclaves malgaches. Les survivants construisent alors une embarcation de fortune. Seul l'équipage blanc peut y trouver place, abandonnant derrière lui une soixantaine d'esclaves. Les rescapés vont survivre sur ce bout de caillou traversé par les tempêtes. Ce n'est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin récupérera les huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.

Connu comme dessinateur de Marzi, Sylvain Savoia a accompagné Max Guérout, archéologue et ancien officier de marine, lors d'une expédition menée pour retrouver les traces du séjour des naufragés puis abandonnés. Il nous conte ainsi une double aventure dans cet imposant album de 120 pages. Celle, tragique, de la destinée de ces esclaves et de leur survie, et son itinéraire personnel au sein de l'expédition, sur cet îlot du bout du monde.

Le volet "historique" est servi par un élégant trait réaliste, alors que la partie "recherches" s'apparente davantage à un carnet de voyage. Parfois, les deux pans se rencontrent. En effet, si les recherches archéologiques sont menées de manière méthodique et scientifique, le vécu des naufragés est peu à peu mis à jour, et l'élément foncièrement humain et les émotions qu'il véhicule prennent alors très légitimement le dessus.

De quelle manière un vestige, un débris découvert après 250 ans peut-il raconter une histoire ? Comment imaginer le quotidien de ces rescapés au bout du monde ? Voilà quelques-unes des nombreuses questions évoquées par cet albums hors du commun qui, comme l'écrit Max Guérout dans le dossier qui le complète "donne une voix au récit muet de l'ignominie qui reste inscrite dans les sables de l'île". La démarche de Sylvain Savoia se rapproche un peu de celle qui conduit les derniers albums d'Emanuel Lepage. On s'attache aux pas de l'auteur, hésitant au départ de cette expédition, mais qui nous en dresse un méticuleux journal de bord tout en illustrant une histoire qui vous prend aux tripes.

Notons qu'une exposition consacrée à Tromelin, l'île des esclaves oubliés, sera présentée au château des Ducs de Bretagne à  du 17 octobre 2015 au 20 avril 2016, puis à Lorient, Bordeaux, Bayonne et Marseille. Le Centre belge de la bande dessinée (CBBD, 20 rue des Sables, 1000 Bruxelles) accueille quant à lui une expo centrée sur l'album jusqu'au 21 juin.

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Pierre Burssens

Pour en savoir plus : le site du groupe de recherche en archéologie navale, et le dossier Tromelin

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02/06/2015