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Le Monde du dessous, par Didier Tronchet d'après un roman d'Anne Sibran, Didier Tronchet (Casterman)

Le Monde du dessous

Scénario : Didier Tronchet d'après un roman d'Anne Sibran
Dessins et couleurs : Didier Tronchet

Casterman

La montagne de sang

Ce récit révèle l'incroyable exploitation de la mine d'argent de Potosi (Bolivie) par des générations d'Indiens, qui ont fait la fortune des conquistadors espagnols au prix effroyable, à travers le temps, de 8 millions de morts chez les mineurs !

C'est suite à un séjour de trois ans en Equateur et à la découverte d'extraits du roman Dans la montagne d'argent (Grasset), en cours d'écriture par sa compagne Anne Sibran que Didier Tronchet a mis en chantier cet album envoûtant. Après avoir longtemps été catalogué "humour", l'auteur a révélé d'autres facettes de son talent avec Vertiges de Quito ou Le Fils du Yéti. Il continue dans cette veine sensible avec l'étrange histoire d'Agustin, fils d'un mineur de cette montagne cannibale, initié par un chaman. Cette initiation lui en ouvrira une autre vision et lui donnera la force d'affronter la malédiction du diable de la montagne.

Tronchet signe un conte sombre et adulte, dans lequel les préoccupations et mouvements sociaux se conjuguent aux croyances amérindiennes. Le partie "chamanique" du récit rappelle Carlos Castaneda et ceux qui l'ont suivi. L'auteur adopte pour ses narratifs un ton d'écriture simple, faussement naïf et très "indien" qui, associé aux croyances décrites, introduit une émouvante poésie dans un récit qui aurait aisément pu basculer dans une noirceur absolue. Le thème interpelle logiquement nos modes de vie occidentaux. Les croyances et la spiritualité indienne se trouvent opposés à l'argent, associé au diable de Potosi. Tronchet dresse une image frappante de cette poursuite du profit en imaginant le pont d'os des victimes de la mine, parallèlement au pont d'argent qui court vers nos sociétés. Mais ce dernier est fragile...

Le style de dessin de l'auteur s'accorde parfaitement au ton du récit, soutenu par des couleurs lumineuses. Le Monde du dessous surprend au départ, mais en avançant dans sa lecture, son charme agit progressivement. On le referme avec le sentiment d'avoir entre les mains un album remarquable, véritablement hors du commun, qui incite à la réflexion et appelle à une relecture qu'on lui accordera bien volontiers.

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Pierre Burssens

Du même dessinateur :

Le Fils du yéti, par Didier Tronchet Vertiges de Quito, par Didier Tronchet

Pour en savoir plus : le site officiel de Didier Tronchet

09/06/2015