Narcisse
Tome 2 : Terra Nullius
Scénario, dessins et couleurs : Chanouga
Paquet, collection Cabestan
Peau de Lune
Abandonné aux antipodes de sa Vendée natale, laissé pour mort par ses compagnons d'infortune sur les rives Nord inexplorées de la Terra Nullius… Aux portes d'un monde méprisé et redouté par ses contemporains, Narcisse Pelletier, mousse de Saint-Gilles-sur-Vie, meurt sur les plages du Cap Direction, pour laisser place à Amglo, Aborigène Uuntaalnganu, le 30 septembre 1858, à 14 ans et 9 mois...
Deuxième volet pour ce triptyque consacré au destin hors du commun de cet authentique mousse vendéen, abandonné sur les côtes du Nord de l'Australie suite à un naufrage, et qui vécut 17 ans parmi les indigènes, réputés anthropophages, avant un pénible retour à la "civilisation". L'histoire de Narcisse Pelletier est exceptionnelle, et le cheminement qui a conduit l'auteur à la retracer est, lui aussi, assez étonnant (voir interview sur ce site).
Ce deuxième tome évoque la découverte et l'adoption du jeune marin par les aborigènes Utaalnganu, et l'initiation qui va faire de lui l'un d'entre eux, Amglo, le "sauvage blanc" comme le nommeront ses contemporains prétendument civilisés. Chanouga résume forcément ces dix-sept années, suivant le peu de documents qui existent sur le sujet. On n'est pas loin de l'histoire de Danse avec les Loups, sous d'autres latitudes et au sein d'une autre culture. L'auteur livre assez peu d'indications précises quant à ce qui a été vécu par son héros au sein de son peuple d'adoption, mais laisse parler son dessin... et on ne peut qu'être séduit.
En effet, la douceur du trait de Chanouga et son travail hors du commun sur les couleurs constituent une véritable invitation au voyage. La réalité des faits, pourtant âpre, se voit ici baignée d'une réelle poésie. Narcisse est accueilli par ce peuple des antipodes, y est soigné, y trouve la douceur, l'amour et, tout simplement, une forme essentielle d'humanité. Jusqu'à oublier sa langue et sa vie d'"avant". Et l'auteur parvient à nous faire ressentir cet itinéraire intérieur, autant qu'il nous expose les routes, précises, de navigation de l'époque.
Un petit dossier documentaire complète judicieusement l'album et expose certaines pistes de réflexion proposées par Chanouga. Terra Nullius confirme incontestablement les qualités du premier tome et va, graphiquement, encore plus loin que celui-ci. Sa lecture pourra peut-être paraître rapide, mais c'est avec un énorme plaisir que l'on reviendra et s'attardera longtemps sur des cases et des planches à déguster avec les yeux et le coeur !