L'original

Scénario, dessins et couleurs : Emmanuel Moynot

Casterrman

Causes perdues

Lui, vieux mercenaire sur le retour, a survécu à toutes les défaites. Elle, jeune gauchiste un peu paumée, est prête à tout pour déclencher la révolution. Leur confrontation, inévitable, se mue en un chant du cygne survolté.

Un porte-flingue vieillissant, qui a été de tous les combats depuis la guerre d'Algérie vivote d'expédients foireux jusqu'à ce qu'on le branche sur un coup : piquer un chargement d'armes à de jeunes militants gauchistes qui rêvent d'armer leur révolution. Évidemment, rien ne va se passer comme prévu, et l'Original va se retrouver en cavale, flanqué de cette jeune militante, pousuivis à la fois par la police et d'anciens alliés.

Emmanuel Moynot s'est inspiré de l'Affaire Rey-Maupin, fait divers tragique survenu en 1994, pour construire la trame de lLOriginal, mais il nous fait aussi effleurer toute une nébuleuse de mouvements et d'organisations d'extrême-droite, parfois en lien avec la pègre, qui fournissent un passé et un itinéraire à son personnage principal. Et il est lourd, le passé de l'Original, constitué d'étapes peu reluisantes au cours desquelles il a maintes fois changé de nom. Un dernier dérapage, et Roland Picot se retrouve accompagné d'une jeune militante d'extrême-gauche.

Les échanges entre ces deux-là constituent assurément un des attraits de ce récit fort noir. Tous les deux sont décidés à aller jusqu'au bout, et on sent que l'Original appartient déjà, de toutes manières, à une espèce en voie de disparition.Moynot construit un récit dynamique qui entraîne insensiblement le lecteur dans le même engrenage que les personnages. Picot est détestable, mais presque anachronique, et c'est sans doute ce qui fait que progressivement, on s'attache quand même à lui, même si, l'histoire avançant, sa conclusion paraît inéluctable.

Le dessin est vif, jeté, parfois brouillon diront certains, mais correspond parfaitement au scénario et à son atmosphère sombre et rapidement désespérée. L'auteur s'accorde pourtant quelques légers traits d'humour (noir) et surprend par une préface dessinée décalée, intitulée Petites précisions liminaires et sous-titrée Portrait de l'artiste en vieux con (!) au cours de laquelle Emmanuel Moynot resitue les organisations et idéologies fréquentées par son personnage principal.

Les lecteurs qui avaient apprécié son adaptation de L'homme qui assassinait sa vie de Vautrin devraient se trouver en terrain assez familier, dans ce registre de "noir à la française" dans lequel cet Original fonctionne particulièrement bien. Pour les amateurs du genre...