Carmilla

Scénario : Pascal Croci d'après l'oeuvre de Sheridan Le Fanu
Dessins et couleurs : Pascal Croci

EP

Au coeur des cimetières

Au XIXe siècle, deux jeunes filles nobles se découvrent dans les sombres forêts de l'Europe de l'Est un lien ancien et troublant. Laura et sa cousine Carmilla en proie à une mystérieuse fatigue et à la maigreur évoquant l'anorexie, s'observent au coeur des ruines des châteaux. Leurs destins s'avèrent irrémédiablement enchaînés...

Révélé par son remarquable Auschwitz (traduit en 10 langues) en 2000, Pascal Croci emprunte depuis un itinéraire bien particulier qui, plusieurs fois déjà, lui a fait croiser les mythes du vampirisme. Ainsi, après s'être intéressé à Dracula et à Elizabeth Bathory, il adapte aujourd'hui le roman Carmilla de Sheridan Le Fanu. Un roman précurseur du genre puisque le Dracula de Bram Stoker fut publié en 1897, alors que Carmilla fut édité 25 ans avant ! Bram Stoker reconnut d'ailleurs alors la dette qu'il avait envers son compatriote et prédécesseur.

Pour son album, Pascal Croci s'inspire librement du roman éponyme. Ainsi, si d'autres personnages sont évoqués, l'auteur ne met quasiment en scène que Laura et sa cousine Carmilla, dans leur relation trouble, sensuelle mais sombre. La découverte du portrait de Mircalla, ancêtre de Carmilla, lève pour le lecteur le mystère qui plane sur cette étrange cousine. Les textes se déclinent quasi exclusivement en voix off, à la première personne. Laura y confie son trouble. Mais Pascal Croci dispose de son envoûtant dessin pour en dire plus.

L'album est découpé en très grandes cases qui lui permettent de tracer de troublants portraits de ses personnages féminins, élégants et élancés, auxquels, souvent, des statues funéraires font miroir. On s'immerge doucement dans cet univers gothique et hivernal et on prend grand plaisir à s'attarder sur telle ou telle case ou planche réalisée en couleurs directes, où les gris froids dominent pour mieux contaster avec la rougeur d'une robe, d'une chevelure ou des lèvres des deux protagonistes. L'approche de Pascal Croci s'apparente parfois autant à celle du livre ilustré qu'à celle d'une BD traditionnelle, et son dessin gagne en finesse et en élégance à chacune de ses réalisations.

Loin de l'image des vampires ados qui foisonnent dans la littérature "young adult" et sur les écrans, le Carmilla de Pascal Croci en restaure un portrait romantique et gothique traditionnel, fort séduisant pour qui est sensible au genre fantastique. On notera d'ailleurs qu'en fin d'album, l'auteur fait entreprendre à Laura un voyage vers Whitby, dans le Yorkshire. Or, c'est à Whitby que Bram Stoker, dans son roman, situe le naufrage du navire qui transporte le comte Dracula lors de son arrivée en Angleterre. Les liens du sang, sans doute...