Motorcity
Scénario : Sylvain Runberg
Dessins : Philippe Berthet
Couleurs : Dominique David
Dargaud, collection Ligne noire
Raggare
Fraîchement diplomée de l'école de police de Stockholm, Lisa Forsberg revient dans son village natal, où elle intègre le commissariat local. Mais, adolescente turbulente, elle n'a pas gardé que des amis ici et, dès sa première enquête sur une disparition, elle est confrontée à toutes les rancoeurs et les vieilles connaissances de sa jeunesse.
Nouvel opus dans la collection Ligne noire, dédiée à Philippe Berthet, Motorcity a cette fois pour scénariste Sylvain Runberg, qui nous emmène en Suède, pays qu'il connaît bien. L'enquête se déroule à notre époque, mais en grande partie dans le milieu "raggare", une "tribu culturelle" fan de rock'n'roll, de tatouages et de vieilles voitures américaines. Le scénariste explique en préambule que le mouvement est souvent moqué en Suède, considéré comme une sous-culture "white thrash", et davantage présent en milieu rural. Ce choix offre en tous cas à Philippe Berthet l'occasion de donner à cette histoire contemporaine un côté rétro qu'il affectionne, grâce notamment aux rutilantes carrosseries des voitures des années 50' et 60' rassemblées au festival Motorcity.
On suit avec intérêt la progression de l'enquête de Lisa Forsberg et de son coéquipier Erik, sur une disparition qui semble au départ anodine. Pourtant, comme la jeune femme a croisé dans sa jeunesse nombre de personnages apparaissant dans l'affaire, les vieux souvenirs refont surface, et certains petits dérapages du passé de Lisa ne jouent pas forcément en sa faveur. Au fur et à mesure de l'avancement des investigations des policiers, l'intrigue se complique et, de fausse piste en fausse piste, se dirige vers un dénouement particulièrement sombre et désespéré.
Sylvain Runberg prend son temps pour développer son récit et laisser le lecteur s'imprégner d'une atmosphère bien particulière. Le scénariste s'attache à la psychologie des personnages, un élément sur lequel repose une bonne partie du déroulement de l'histoire. Dès la lecture des premières pages, l'envie d'en apprendre plus se précise.
Philippe Berthet met tout son talent au service de cette nouvelle enquête. On sent que la composition de chacune de ses planches, de chacune de ses cases est étudiée et millimétrée. Côté personnages il signe comme de coutume quelques beaux portraits féminins, mais on se balade aussi avec beaucoup de plaisir dans de superbes décors de la campagne suédoise. Les très belles couleurs de Dominique David contribuent également à cet impeccable polar, au dessin à la clarté inversément proportionnelle à la noirceur de l'intrigue.
Seul petit regret, la collection Ligne noire est (essentiellement) constituée de one-shots, et on aurait aimé - pourquoi pas ? - retrouver la jolie Lisa Forsberg dans d'autres épisodes...