
Les gueules rouges
Scénario : Jean-Michel Dupont
Dessins et couleurs : Eddy Vaccaro
Glénat, collection 1000 Feuilles
Survivre
![]() |
Gervais est un garçon intelligent promis à un bel avenir car il a réussi son certificat d’études alors qu’il n’a pas encore treize ans. Seulement, Gervais est fils de mineur et la promesse d’un deuxième salaire qui rentrerait dans le modeste foyer de la famille Cottignies retient toute l’attention de son père. C’est décidé, contre l’avis de l’instituteur, Gervais descendra à la mine comme son père ! Adieu, les rêves de devenir ingénieur et gravir l’échelle sociale, son quotidien maintenant consiste à ramasser le charbon dans les tréfonds de la terre et son existence devient presque aussi noire que le charbon qu’il recueille.
Mais voilà que se profilent les représentations du cirque du vrai Buffalo Bill qui fait partie d’une tournée européenne. Les refus de son père de l’emmener au spectacle ne l’empêcheront pas de rejoindre Valenciennes et resquiller l’entrée pour pouvoir assister à la prestation. Quel bonheur de voir évoluer ce cowboy au milieu des Indiens ! Il finira par sympathiser avec deux d’entre eux, puis la fête vire au drame quand les dits Indiens sont accusés d’un meurtre sauvage alors qu’il était en leur compagnie. Que faire, planquer les Indiens jusqu’à ce que l’affaire se tasse, tenter de les disculper, mais aussi affronter les ires de son père alors qu’il a manqué à l’appel de la mine…?
![]() |
Après le succès fort mérité de Love in Vain, le scénariste Jean-Michel Dupont nous livre là, sur près de 120 pages, un scénario plus intimiste sur la dure condition des ouvriers du début du XXème siècle et plus particulièrement des mineurs, et l’hégémonie de la bourgeoisie bien pensante qui ne pense qu’à faire du profit au risque de mettre en péril la vie des ouvriers. Jean-Michel Dupont dépeint également avec talent les conditions de vie des troupes itinérantes des Indiens, qui après avoir subi les invasions se retrouvent à faire des démonstrations au travers de toute l’Europe pour continuer à survivre.
Mais le tour de force de cette histoire aura sûrement été de faire rencontrer, au travers de ce récit, des gens de conditions tout aussi difficiles avec des univers de vie aux antipodes les uns des autres, et susciter à la fois de l’émotion devant les événements vécus, de l’angoisse et aussi des moments d’émerveillement devant les cavalcades de ces Indiens poursuivis par un tonitruant Buffalo Bill.
![]() |
Au scénario réussi s’ajoute le travail du dessinateur Eddy Vaccaro qui a su donner un rythme au récit, avec un trait réaliste et dynamique rehaussé par de superbes aquarelles, alternant les couleurs tantôt chaudes, tantôt froides au gré de la fiction. Gueules rouges, gueules noires, tous unis pour une condition meilleure et pour le plaisir du lecteur.