Giant

Tome 1/2

Scénario, dessins et couleurs : Mikaël

Dargaud

Le colosse taciturne

New York, 1932. Malgré la grande dépression qui frappe durement l'Amérique, les buildings s'élèvent toujours plus haut dans le ciel de Manhattan et les chantiers prolifèrent. C'est là que travaille Giant, un homme taciturne à la carrure imposante. Ses collègues le chargent d'avertir la famille d'un compatriote irlandais du décès accidentel de celui-ci. Mais, dissimulant la triste vérité, le mystérieux colosse envoie une belle somme d'argent à Mary Ann, la jeune veuve, ainsi qu'une lettre dactylographiée qui pourrait être de son mari... 

C'est sur le chantier de construction du Rockfeller center que nous fait pénétrer Mikaël, dessinateur franco-canadien que l'on avait pu découvrir avec Promise (Glénat), scénarisé par Thierry Lamy. Pour Giant, on le retrouve en tant qu'auteur complet. Il nous fait ainsi partager, à travers l'histoire d'un colosse taciturne, l'existence de ces ouvriers qui prenaient d'énormes risques pour construire ces gratte-ciels en grimpant là-haut, parfois suspendus en équilibre, pour assembler et boulonner les poutrelles métalliques constituant la structure de l'édifice en devenir.

Le métier était difficile et dangereux, et une fois redescendus sur le sol, la vie en cette période de récession économique n'était guère plus souriante. Est-ce cela qui pousse Giant à entretenir une correspondance avec la veuve d'un coillègue décédé, et surtout à se faire passer pour lui ? Pourquoi parle-t-il si peu ? Est-il hanté par les souvenirs de la violence de la guerre civile qui déchire l'Irlande ? Mikaël ne nous livre pas le secret de Giant dans ce premier volet d'un diptyque (le second tome est annoncé pour janvier 2018), mais rend son personnage pricipal diablement intrigant, surtout à côté du très bavard Danny Shackleton, nouvel arrivé sur le chantier et, physiquement, tout le contraire du colosse.

Autour du chantier gravite tout un petit monde pas vraiment reluisant : trafiquants d'alcool (on est en au temps de la prohibition), prostituées, gangsters...  Mikaël restitue aisément l'âpreté de l'existence et du travail de Giant, dans une Amérique qui, à l'image de ces buildings, se construit, avide de modernisme et de nouveauté malgré la crise qu'elle traverse. Le dessin réaliste de l'auteur en saisit tous les contrastes et nous offre quelques images et décors vraiment étonnants. Quant à Giant, au coeur de l'histoire, son regard et ses expressions traduisent sa sensibilité malgré son physique de grizzly.

Mikaël hameçonne aisément le lecteur avec ce premier volet. Gageons que la suite soit à sa hauteur et nous tiendrons la une excellente surprise et le nom d'un auteur à suivre de près !