S.0.S Bonheur - saison 2

Tome 1

Scénario : Stephen Desberg
Dessins : Griffo
Couleurs : Florent Daniel

Dupuis, collection Aire Libre

Politiquement correct

En 2018, la prestigieuse collection Aire Libre des éditions Dupuis aura 30 ans. Parmi ses premières publications, le premier tome de S.O.S. Bonheur,  signé Van Hamme et Griffo, avait fait forte impression.  Il rassemblait une suite de fables dystopiques qui mettaient à nu les angoisses de la société d'alors. Presque trente ans plus tard, nos craintes ont-elles changé ? C'est la question que pose aujourd'hui Stephen Desberg avec cette nouvelle saison, à la fois hommage et mise à jour de l'oeuvre initiale de Jean Van Hamme - qui en signe d'ailleurs la préface. Stephen Desberg y précise les contours d'un monde régi par les penseurs d'extrême droite, un univers dominé par l'argent, les valeurs morales réactionnaires, la figure du mâle ou encore la préférence nationale.

De nombreux lecteurs de science-fiction vous le diront, bien des auteurs, dans cette littérature, se sont révélés visionnaires. Hélas, souvent, ce sont plutôt leurs cauchemars que leurs rêves qui ont pris corps dans la réalité. Dans cette saison 2 de S.O.S Bonheur, Stephen Desberg nous propose une très légère anticipation, et sa vision en est d'autant plus effrayante qu'elle est proche de nous et réaliste. Alors que le "politiquement correct" fait fi de la simple dimension humaine, que les dénonciations en tous genres vont bon train sur les réseaux sociaux, que l'on se demande parfois si l'on peut encore écrire, dire ou même...penser quelque chose sans que cela déplaise à quelqu'un, cette nouvelle déclinaison de la série créée par Jean Van Hamme et Griffo conduit, au mieux, à se poser de  nombreuses et graves questions.

Six récits d'une vingtaine de pages chacun constituent ce premier tome, six recettes d'un bonheur artificiel imposé par un ordre établi qui représentent aussi six formes de répression des libertés individuelles. Manipulation des médias, réécriture de l'Histoire, détournement des statistiques de la criminalité, réduction des coûts de la santé au mépris des individus, ghettoïsation de l'immigration et établissement d'un "ordre moral" nauséabond sont les sujets évoqués de manière (un tout petit peu) amplifiée par les auteurs. N'en doutons pas, au-delà d'une "simple" BD, Desberg et Griffo nous adressent un avertissement.

En près de 30 ans, le trait de Griffo a fortement changé. Il n'en est que plus efficace et expressif, bien soutenu par les couleurs froides, mais adéquates au sujet, de Florent Daniel. Seul le dessin des véhicules pose problème, mais il ne s'agit que d'un détail secondaire dans cette fresque globalement glaçante.

Inquiétant si pas alarmant, ce nouveau S.O.S Bonheur ne peut laisser indifférent quiconque est un minimum attentif aux mutations de notre société.