Auracan » chroniques » Mon père ce poivrot
Mon père ce poivrot, par Stéphane Louis (Grand Angle)

Mon père ce poivrot

Scénario et dessins : Stéphane Louis
Couleurs : Véra Daviet

Grand Angle

En deux coups les gros...

Lucien Basset est alcoolique. Au dernier degré. Celui qui vous pousse à boire même de l’éther. Tout le reste a fini par passer après le bistrot. Sa femme l’a quitté, mais il est aussi sans nouvelles de son fils depuis trois ans. Un soir, pourtant, il décide que cette fois, c’est la bonne ! Il arrête de picoler parce qu’il a un truc important à faire ! Il a rendez-vous avec quelqu’un pour lui sauver la vie !

L'alcoolisme n'est pas festif, il tue ! Mon père en est mort, littéralement ! Le père de l'auteur était alcoolique, et si Stéphane Louis présente cet album comme une fiction nourrie de vrais souvenirs, anecdotes et expressions tirés de la vie de son père, il veut aussi rendre hommage à celui-ci, l'homme bon, en perdition derrière cette maladie. En tant que telle, la démarche est courageuse, interpelle, et ne peut que sensibiliser les lecteurs aux dangers de l'alcoolisme, ses causes et ses conséquences. Une démarche qui peut aussi se révéler franchement périlleuse.

Stéphane Louis évite cependant de nombreux pièges, réduisant au minimum les clichés souvent associés à la consommation abusive d'alcool. Lulu est en perdition, mais a un sursaut, un objectif essentiel à atteindre. Il va mettre en oeuvre tout ce qui lui est possible pour y arriver. Seulement voilà, Lulu est alcoolique et tout est bien plus compliqué pour lui, à commencer par la tentation de la bouteille, la demoiselle au goulot à laquelle il faut résister. L'auteur construit son récit par petites touches et conserve un équilibre délicat. Le témoignage de différents protagonistes à la gendarmerie en fait progressivement pressentir la conclusion tragique. Mais entre-temps on se sera attaché au combat de Lulu, avec lui on aura ri, on aura pleuré, on aura mesuré toute la difficulté à surmonter cette maladie et la manière dont celle-ci peut fausser les perceptions de la personne qui en est atteinte, mais aussi celles des autres.

Lulu se lance dans un dernier baroud d'honneur, à la fois pathétique et héroïque, mais qui lui appartient. Sur sa route, certains regards changent et c'est déjà comme si un petit miracle s'accomplissait. Stéphane Louis signe un récit sensible et intelligent, évitant tout pathos. Il nous montre les choses et nous les fait ressentir, et il est impossible de ne pas être ému par cette histoire et la réalité qui la sous-tend. Graphiquement, l'auteur va à l'essentiel. Ses personnages sont expressifs et son dessin parvient à glisser une petite touche de poésie discrète dans l'une ou l'autre case. Lulu a un nez rouge, un peu comme un clown, mais le clown est triste...

Nous ne sommes pas que nos faiblesses. Nous sommes ce que nous essayons d'en faire.

Partager sur FacebookPartager
Pierre Burssens

Du même dessinateur :

Drones - T2/2: Post-Trauma, par Sylvain Runberg, Drones - T1/2: , par Sylvain Runberg,
30/01/2019