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Haïkus de Sibérie, par Jurga Vile, Lina Itagaki (Sarbacane)

Haïkus de Sibérie

Scénario : Jurga Vile
Dessins : Lina Itagaki

Sarbacane

Une enfance déportée

Algis est à peine adolescent en juin 1941 quand il fait partie des Lituaniens déportés dans un camp de travail au fin fond de la Sibérie. Séparés, les hommes d’un côté, les femmes et les enfants de l’autre, ils sont transportés au travers de la Lituanie puis en Sibérie dans un wagon sans lumière, comme du bétail. Le périple se termine pour eux dans un camp après avoir parcouru bon nombre de milles sur l’Ob, entassés sur une barge. Les conditions de vie sont à peine imaginables : baraques insalubres infestées de punaises, rabrouement des soldats, aboiement des chiens qui n’hésitent pas à mordrelorsque les prisonniers ne sont pas à leur place, la faim qui vous tenaille jour et nuit. Quant au travail qu’il faut effectuer pour espérer toucher une maigre ration de nourriture, il consiste à creuser le sol avec une… petite cuillère !

Le scénario de Jurga Vilé s’appuie sur les évocations d’Algis, son père revenu de l’enfer, et racontées  à mots couverts tellement il est difficile d'évoquer l’impensable. Malgré tout, si le récit de déroule dans ces terribles conditions de vie, les horreurs sont narrées avec une âme d’enfant, souvent pleine de fantaisie, de tendresse mais également d’insouciance.

C’est souvent triste, mais cependant Algis et ses congénères arrivent régulièrement à tourner la situation en dérision. Le dessin de Lina Itagaki, épouse parfaitement le scénario, et les couleurs pastel permettent d’adoucir la rudesse de l’histoire.

Ce livre s’inscrit certes dans ce que l’on appelle aujourd’hui le roman graphique mais a été réalisé comme s'il l'avait été par son protagoniste principal, comme une sorte de journal volontairement enfantin. Des "planches" de bande dessinée, ou plutôt des séquences de quelques cases alternent avec des lettres échangées entre les déportés en Sibérie et ceux restés en Lituanie, alors que s'y intercalent des recettes de cuisine, des plans d’origami, etc. Nous évoquons parfois sur ce site des albums élaborés à la manière d'un journal de voyage, cette fois c'est d'un journal de captivité, à l'écriture et aux dessins enfantins qu'il s'agit. Cette histoire poignante qui ne pourra pas laisser le lecteur indifférent.

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Bernard Launois
15/03/2019