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De mémoire, par Eric Corbeyran, Winoc (Grand Angle)

De mémoire

Scénario : Eric Corbeyran
Dessins : Winoc
Couleurs : Sébastien Bouet

Grand Angle

Juste pour faire thriller ?

Nick possède une mémoire absolue. Tout ce qu'il entend, tout ce qu'il voit, tout ce qu'il lit, il l'enregistre. Cela ressemble à un super pouvoir, mais c'est un truc à vous rendre dingue. Heureusement, Julia, sa psy, lui a montré comment oublier. Mais quand Nick est enlevé, il n’a d’autres choix que de faire remonter ses souvenirs enfouis. Car ses kidnappeurs veulent tout savoir des recherches de son père, un scientifique brillant, disparu dans un accident quand Nick avait... 5 ans !

L'amnésie a maintes fois été utilisée parmi les ressort dramatiques de BDs. Eric Corbeyran innove en évoquant l'hypermnésie de Nick Powell, personnage principal de De mémoire. Cette faculté considérée comme une psychopathologie existe bel et bien et est étudiée scientifiquement. Pour Nick, elle constitue surtout, au quotidien, un handicap qui -par exemple- le condamne à des jobs de courte durée, ses employeurs étant déconcertés par ses capacités de mémorisation. 

Le scénariste prend le temps de nous faire faire la connaissance du héros et de son monde, avec notamment ces étonnantes boîtes à souvenirs qui permettent à Nick de se décharger symboliquement des souvenirs qui l'encombrent. On plonge aussi dans son enfance, avec la disparition tragique de ses parents, et on rencontre la jolie Julia, une psy qui a suivi le cas de Nick avant de devenir son amante. Tout ça est plaisant, intéressant, très bien amené et conduit le lecteur à s'attacher aux personnages et à leur vie pendant les deux premiers tiers de l'album. 

Hélas, nécessité ou volonté, De mémoire joue la carte du thriller. Et là tout va très vite, trop vite, et semble fort artificiel. Des agents de la CIA particulièrement inefficaces, l'apparition providentielle d'un personnage qui a connu Nick pendant son enfance, de mystérieuses recherches...on n'arrive pas à y croire et les 20 dernières pages du bouquin agissent comme une douche froide sur celles qui les précèdent avant d'aboutir à une conclusion apaisée.

Le scénariste devait-il boucler son récit dans un nombre de pages imparti ? L'idée de thriller est-elle arrivée en cours de route ? N'aurait-il pas mieux valu opter alors pour un diptyque ? L'aspect intime de l'histoire n'aurait-il pas pu donner lieu à un agréable roman graphique ? Autant de questions auxquelles nous n'avons pas les réponses mais qui laissent beaucoup de regrets en refermant l'album.

D'autant plus que la mise en images de Winoc était plutôt réussie, avec un dessin réaliste conservant un aspect croquis spontané et les couleurs chaudes de Sébastien Bouet. Néanmoins, là aussi, au cours de deux premiers tiers de l'album, les décors ne caractérisent pas clairement les USA où l'action semble devoir se dérouler et puis on s'y retrouve davantage dans les 20 dermières pages qui comportent même des images du Pentagone... juste pour faire thriller ?

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Pierre Burssens
08/07/2019