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L'oeil du STO, par Julien Frey, Nadar (Futuropolis)

L'oeil du STO

Scénario : Julien Frey
Dessins : Nadar

Futuropolis

Quand l’infamie vous tombe dessus...

Alors que Justin vient d’apprendre qu’on le pousse gentiment vers la case retraite et bien qu’il n’ait pas toutes ses annuités pour partir avec une retraite décente, il refuse de comptabiliser l’année 1944, la funeste année noire, celle où il a servi pour le Service du Travail Obligatoire institué par le gouvernement de Vichy à la demande des pouvoirs allemands. Cette croix, il va la porter toute sa vie alors qu’il n’a jamais été volontaire. Hélas, comme tous ceux qui y ont participé, près de 600 000 travailleurs, il va être considéré, par bon nombre, comme un planqué à la solde de l’armée allemande, un sale collabo.

Cette blessure des plus humiliantes, il n’en parlera jamais et c’est au crépuscule de sa vie qu’il se décide à raconter cette période douloureuse, ou sévices et humiliations sont légion. Pourquoi ne pas avoir désobéi et pris le maquis au moment de l’embrigadement ? Car Julien ne savait pas où il mettait les pieds ni quel prix il devrait payer à accepter de s’expatrier pour le camp d’Hennigsdorf, en Allemagne.

Le scénario, bien construit, aborde un thème rarement traité et plus particulièrement dans un roman graphique. L’écriture concise et sobre du scénariste Julien Frey convient parfaitement au sujet grave qu’est l’enrôlement d’une jeunesse.

A défaut d'employer cette dernière comme chair à canon au front, le STO a laissé beaucoup d’hommes sur le carreau et ce, dans des conditions déplorables qui devaient plutôt être proches  de celles des camps de concentration. Le dessin de Nadar est terriblement efficace, avec des aplats profonds et d’une noirceur tout aussi conséquente que le sujet traité.

Voilà un livre indispensable, ne serait-ce déjà que pour son apport pédagogique, pour ne pas oublier cette triste période de notre Histoire.

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Bernard Launois

Du même scénariste :

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21/02/2020