Ellis Island

Tome 1/2 : Bienvenue en Amérique !

Scénario : Philippe Charlot
Dessins et couleurs : Miras

Grand Angle

Les portes du rêve américain

Ellis Island est la porte d’entrée pour le rêve américain. Tonio y débarque en 1907, plein d’illusions. C'est en portant assistance à Guiseppe,  un compagnon de voyage, qu'il est refoulé à cause de son handicap. Tonio se retrouve à la merci de Vitto, un avocat mafieux lui faisant miroiter un dossier d’appel qui pourrait autoriser son entrée sur le continent. Pour paiement, il servirait de rabatteur auprès des arrivants, proies faciles et désemparées.

Ellis Island, tu y débarques un Italien, un Irlandais, un Juif, un Russe et il en sort un Américain. C'est-à-dire un fils de pute qui ne pense qu'à sa gueule...  En glissantc ette phrase dans la bouche de Giuseppe, l'un des personnages principaux de l'album, Philippe Charlot caractérise tout le contraste entre la vieille Europe et ce nouveau monde, miroir aux alouettes pour nombre d'émigrés.

Et après une traversée éprouvante en 3e ou 4e classe, c'est sur Ellis Island que cette transformation, mais aussi cette rupture, commence à se marquer. Sur cette île où sont reçus les migrants (difficile de parler d'accueil), le rêve américain peut, pour certains, commencer à se concrétiser. Mais pour d'autres, c'est le vernis des illusions qui commence à se craqueler. Surtout si, comme Tonio, ils sont stationnés sur l'île pendant une période qui semble interminable, en attente d'être acceptés comme futurs américains.

En s'attachant au parcours de trois migrants en 1907 et à leur passage sur Ellis Island, c'est à des millions de leurs congénères que les auteurs rendent hommage. Ainsi, on estime aujourd'hui que 22% de la population des USA ont des racines allemandes, randis que 39 millions d'américains sont d'origine irlandaise. Le récit de Philippe Charlot est âpre et nous fait partager tant les illusions que l'angoisse, l'attente et les frustrations de ceux pour qui une simple formalité administrative prend peu à peu des allures de cauchemar, autant de proies toutes désignées pour des individus peu scrupuleux comme l'ambigü Vitto.

Pour l'occasion, le scénariste retrouve le dessinateur polonais Miras, avec lequel il avait déja collaboré sur Harmonijka. Ce dernier signe une mise en images fort réussie. Ses personnages sont très expressifs et le dessinateur ne recule pas devant certaines scènes de foule dans une reconstitution documentée. Son style rappelle  quelque peu celui de Josep Homs.

Ce premier volet d'un futur dipyque donne à réfléchir, car son sujet fait écho au sort de nombre de migrants dans le monde actuel. Il évoque aussi un aspect bien particulier de l'histoire des USA qu'il est sans doute intéressant de se remémorer à la veille du scrutin présidentiel. Welcome to America ?