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Bartleby, le scribe : Une histoire de Wall Street, par José-Luis Munuera d'après Herman Melville, José-Luis Munuera (Dargaud)

Bartleby, le scribe

Une histoire de Wall Street

Scénario : José-Luis Munuera d'après Herman Melville
Dessins : José-Luis Munuera
Couleurs : Sedyas

Dargaud

Je préfèrerais pas...

New York City, quartier de Wall Street. Un jeune homme est engagé dans une étude de notaire. Il s'appelle Bartleby. Son rôle consiste à copier des actes juridiquesLes premiers temps, Bartleby se montre irréprochable. Consciencieux, efficace, infatigable, son énergie est contagieuse. Elle pousse ses collègues, pourtant volontiers frondeurs, à donner le meilleur d'eux-mêmes. Un jour, la belle machine se dérègle. Lorsque le patron de l'étude lui confie un travail, Bartleby refuse de s'exécuter. Poliment, mais fermement. I would prefer not, lui répond-il. Soit, en français : je préfèrerais pas. Désormais, Bartleby cessera d'obéir aux ordres, en se murant dans ces quelques mots qu'il prononce comme un mantra. Je préfèrerais pas. Non seulement il cesse de travailler, mais il refuse de quitter les lieux...

Si Herman Melville est surtout connu pour son célèbre Moby Dick, sa nouvelle Bartleby, le scribe, publiée pour la première fois en 1853, a intrigué de nombreux lecteurs, parmi lesquels pas mal d'auteurs chez qui elle donne toujours lieu à diverses interprétations. Le plus récent est José-Luis Munuera que l'on ne s'attendait pas vraiment à retrouver dans ce type d'exercice.

En effet, le climat étrange de l'histoire de Melville, son côté statique devenant peu à peu inquiétant et qui lui confère une petite allure discrète de fantastique ainsi, surtout, que son personnage central pour le moins déconcertant sont aux antipodes de ce à quoi nous a habitués Munuera. On se trouve fort loin de son récent Tuniques Bleues (scén. BeKa) , de Zorglub ou des Campbell, dans lesquels son trait souple et vivant excelle dans les séquences d'action.

Pourtant, Munuera surprend, mais surtout séduit.  Alors que le récit est complètement axé sur les personnages, son scénario n'est jamais ennuyeux. On a envie de savoir qui est Bartleby, et surtout le pourquoi de son attitude, résistance passive d'un grain de sable dans un mécanisme qui semblait bien rôdé. L'auteur soigne ses personnages, leur expressivité. Des rôles secondaires évoquent parfois l'influence d'un certain...Walt Disney. Les dialogues ont quelque chose de volontairement suranné (un dictionnaire est le bienvenu à l'une ou l'autre reprise). Et puis il y a ces scènes de rue, ces décors de New York réalisés à l'aquarelle, qui contribuent, comme les couleurs de Sedyas, à renforcer le mystère Bartleby en plongeant l'histoire et le lecteur dans une ambiance grise, brumeuse...

Curieusement, en refermant l'album, toujours avec ce sentiment d'étrangeté, on se dit qu'un traitement réaliste classique des personnages aurait peut-être abouti à un récit ennuyeux. José-Luis Munuera n'a pas changé son style mais conserve un équilibre délicat qui lui permet de conjuguer une nouvelle déconcertante à une réussite graphique. L'album, élégamment présenté sous jaquette, est préfacé par Philippe Delerm et bénéficie d'une postface du scribe Alex Romero.

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Pierre Burssens

Du même auteur :

Les Tuniques bleues - T65: , par BeKa & Munuera, Munuera Zorglub - T1: La Fille du Z, par , Les Campbell - T5: , par Jose Luis Munuera  - T1: Livre I, par Jean Dufaux,

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17/03/2021