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Sous les galets la plage, par Pascal Rabaté (Rue de Sèvres)

Sous les galets la plage

Scénario, dessins et couleurs : Pascal Rabaté

Rue de Sèvres

Changer de vie

Loctudy, septembre 1963, la station balnéaire se vide de ses derniers résidents estivaux. Seuls Albert, Francis et Edouard, futurs étudiants prolongent leurs vacances en attendant de commencer chacun de brillantes études supérieures.
Détachés de l’autorité familiale, ces fils de bonne famille comptent bien profiter de cette liberté pour vider quelques bouteilles et vivre de nouvelles expériences. Un soir sur la plage, ils font la connaissance de Odette, jolie jeune fille sans attache familiale qui saura s’y prendre pour les contraindre à participer aux cambriolages des résidences secondaires voisines... Albert en tombe amoureux...

En choisissant un titre qui rappelle un slogan de Mai 68, on se doute bien que Pascal Rabaté va nous raconter autre chose qu'une simple histoire d'amour. Mais l'auteur se joue du lecteur. Ainsi, les premières planches de Sous les galets la plage caractérisent historiquement le récit, par petites touches. Mais l'apparition de la jolie Odette et les réactions d'Albert, Francis et Edouard font vite oublier l'époque à laquelle il se déroule. Il est vrai que c'est à ce moment que l'intrigue commence véritablement à se développer et que Rabaté nous entraîne n à la fois dans un jeu de cache-cache amoureux qui fleure bon l'insouciance et la liberté mais aussi dans une composante relevant davantage du polar qui introduit progressivement dans ce roman graphique un suspense habilement dosé.

Le titre, lui, prend douloureusement tout son sens dans les 20 dernières pages du livre. L'époque et ses valeurs, sa morale, sa vision qui semble aujourd'hui étriquée se rappelle aux protagonistes principaux comme au lecteur, et c'est à une véritable douche froide que ce dernier est soumis.

La dimension humaine jusque-là tellement présente se voit violemment effacée, dans un contraste total. La révolte feutrée d'Albert et Odette se voit confrontée à la violence à travers des pratiques rappelant certains des moments les moins glorieux de la libération. 

Le dessin réaliste faussement fragile se déploie sur de grandes cases dominées par des couleurs pâles un peu passées. On remarquera la belle utilisation des aplats noirs pour les scènes sombres ou nocturnes, ainsi que quelques séquences d'une douce sensualité qui semblent constituer des parenthèses d'oubli dans une progression aussi discrète qu'implacable.

Pascal Rabaté surpend, frappe fort, et s'il ménage néanmoins une fin heureuse à son histoire, celle-ci s'épanouit dans la colère et la contestation. 53 ans après Mai 68, l'auteur nous adresse un rappel et un avertissement pour aujoud'hui. 

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Pierre Burssens

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