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Le Faux Soir, par Denis Lapière & Daniel Couvreur, Christian Durieux (Futuropolis)

Le Faux Soir

Scénario : Denis Lapière & Daniel Couvreur
Dessins : Christian Durieux

Futuropolis

Le rire pour résistance !

Le 9 novembre 1943, la résistance belge vient de réussir le coup le plus audacieux de l’histoire de la presse clandestine en diffusant, au nez et à la barbe de l’occupant nazi, un pastiche du Soir volé, le quotidien belge confisqué à ses propriétaires par la Propaganda Abteilung qui avait aussi substitué à ses journalistes d’avant-guerre une rédaction composée de zélateurs de l’ordre nouveau. 50 000 exemplaires seront distribués soit dans le circuit normal, soit par les circuits clandestins à 10 francs pièce afin de financer le Front d’Indépendance. Ce jour-là, le grand éclat de rire qui parcourt la Belgique occupée est entendu jusque dans les capitales alliées, Londres et Washington.

Alors que 7 ans après, on se remémore l'attaque contre Charlie Hebdo et ses victimes il est intéressant de (re)découvrir l'histoire de ce Faux Soir. En effet, le grand quotidien belge emboché par l'occupant et ses serviteurs, devenu pour beaucoup le Soir Volé, allait recevoir le 9 novembre 1943, pour saluer le 25e anniversaire de l'armistice de la première guerre mondiale -et rappeler leur défaite aux Allemands- une claque retentissante élaborée par le Front de l'Indépendance, une des plus grandes organisations de la résistance en Belgique. Le Faux Soir, distribué à 50 000 exemplaires. Caricatural, iconoclaste, surréaliste et subversif, le journal représentait l'impertinence contestataire face à l'autorité établie mais constitua aussi un acte de bravoure et de résistance qui valut la mort ou la prison à ses auteurs. 

L'idée, le financement, le papier, les moyens techniques, la distribution...autant d'éléments qui prennent la dimension d'un véritable exploit dans un pays occupé et qui sont retracés minutieusement par Denis Lapière & Daniel Couvreur (journaliste au Soir). On se trouve certes loin d'actions armées dont les auteurs auraient pu exploiter les aspects spectaculaires, mais ceux-ci choisissent de se mettre en scène à travers leurs recherches et découvertes ayant abouti à la réalisation de l'album. Les étapes du cheminement des scénaristes, du dessinateur Christian Durieux et de leur éditeur Sébastien Gnaedig alternent ainsi, comme de courts chapitres, avec celles de l'élaboration du Faux Soir. 

Le trait doux de Christian Durieux parvient à restituer l'atmosphère lourde de la capitale belge occupée. Le dessinateur choisit de traiter ses planches historiques dans un dégradé de gris alors qu'il accorde des couleurs plus vives, inspirant davantage de légèreté et de...liberté à la démarche des auteurs. Il signe aussi -comme Daniel Couvreur- une émouvante postface à l'album. Soulignons que celui-ci est accompagné d'un fac-similé de ce fameux Faux Soir qui permet de mesurer plus encore ce que pouvait représenter cette aventure sous le joug nazi. Un message fort !

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Pierre Burssens
12/01/2022