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Monsieur le Commandant, par Xavier Bétaucourt d'après Romain Slocombe, Etienne Oburie (Philéas)

Monsieur le Commandant

Scénario : Xavier Bétaucourt d'après Romain Slocombe
Dessins et couleurs : Etienne Oburie

Philéas

Les démons de Monsieur Husson

1942. Paul-Jean Husson tombe éperdument amoureux de sa bru, juive. Partagé entre son antisémitisme viscéral et cet amour interdit, Husson entreprend alors une invraisemblable virée en compagnie de celle qu'il ne cesse de désirer, à travers la France de l’exode.  Pétainiste convaincu, il se livre à travers une lettre de délation qu'il adresse à Monsieur le Commandant.

Si son sujet n'était pas aussi grave, on pourrait sans doute parler d'humour extrêmement noir en évoquant le roman de Romain Slocombe qui donne lieu à cette adaptation en BD signée Xavier Bétaucourt et Etienne Oburie. Seulement voilà, c'est tout de même un personnage immonde qui se livre dans une lettre oscillant entre la confession et la dénonciation adressée aux autorités allemandes, à...Monsieur le Commandant ! Paul-Jean Husson, écrivain reconnu, désire violemment sa belle-fille. Or celle-ci est une actrice allemande, juive, qui a fui le régime nazi sous une fausse identité. Mais Monsieur Husson est profondément antisémite et n'hésite pas, à travers ses écrits dans les journaux de la collaboration, à jouer le sinistre jeu de la dénonciation. Ecartelé entre ses idéaux infâmes et la passion qu'il ressent pour Ilse, Husson livre son histoire dans une lettre découverte par des G.I.s en 1945.

Le roman de Romain Slocombe fut sélectionné en 2011 pour le prix Goncourt ainsi que pour le prix Goncourt des lycéens et le travail effectué par Xavier Bétaucourt et Etienne Oburie restitue le portrait aussi saisissant qu'écoeurant d'un héros vraiment fort peu recommandable (*). Les traits anguleux que lui confère le dessin d'Etienne Oburie accentuent graphiquement son inflexibilité quant à ses principes nauséabonds (cette couverture !) et, associé au scénario de Xavier Bétaucourt, l'ensemble s'avère glaçant. En effet à travers l'histoire d'Husson, c'est tout un pan de la collaboration que Monsieur le Commandant évoque et...dénonce, et notamment celle menée par un certain milieu littéraire et intellectuel.

Difficile d'espérer une happy end au vu du déroulement de l'intrigue, prenante, bien construite, et riche en rebondissements. Mais noir, c'est noir. Husson sera, en quelque sorte, pris à son propre piège. Une punition sans commune mesure, cependant, avec le mal accompli. Et comme le conclut le soldat américain qui lit sa lettre, en prononçant les derniers mots de cet album coup de poing : son of a bitch !

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Pierre Burssens

(*) A noter que cette période historique et cette thématique de la collaboration occupent une place importante dans l'oeuvre de Romain Slocombe, notamment dans sa série Sadorski à mi-chemin du polar et du roman historique.

Du même scénariste :

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27/01/2022