Les Portugais

Scénario : Olivier Afonso
Dessins : Chico
Couleurs : Emilie Rouge

Les Arènes BD

Brique par brique

À dix-huit ans, Mario s’enfuit du Portugal dans le coffre d’une vieille voiture. Lâché par son passeur à la frontière franco-espagnole, il rencontre Nel. Avec ce jeune compatriote, il va découvrir la vie aventureuse des émigrés dans un bidonville de la région parisienne : travail sur les chantiers, soirées arrosées au vinho verde, drague, combines…

Dans les anées 70', près d'un million de Portugais émigrent en France, fuyant la dictature de Salazar et les guerres coloniales menées en Afrique. On assigne un métier à nombre d'entre eux : maçon. C'est donc dans le bâtiment qu'ils trouveront de l'emploi, dans des conditions déplorables et souvent exploités. Mais mieux vaut s'accrocher et rêver de Paris que faire marche arrière. 

Olivier Afonso s'inspire de l'histoire de son père pour construire ce récit, commun à beaucoup de ses compatriotes. C'est, en fait, l'histoire de toute une génération qu'il transmet à travers les itinéraires de Mario et Nel. Les illusions dissipées, le premier s'efforce, avec patience et une dose de résignation, de gagner sa place dans ce nouveau pays, mais aussi sur les chantiers, dans le bidonville dans lequel il loge et au sein de sa communauté. Nel, de son côté, tente rapidement de fausser les règles du jeu en trempant dans différentes combines qui attireront rapidement les représailles de son employeur.

Olivier Afonso et Aurélien Ottenwaelter (Chico) signent un roman graphique touchant, plein d'espoir mais aux accents parfois cruels. Leurs héros deviennent vite attachants et leurs mésaventures donnent aux auteurs l'occasion de dresser le portrait de quelques personnages pittoresques rencontrés sur le chemin de Mario et Nel. Certes, cette histoire nous ramène 50 ans en arrière et possède ses spécificités, mais elle évoque aussi, plus généralement, l'immigration. Le phénomène est toujours présent, les infos nous le rappellent quotidiennement, et rien ne s'est amélioré, bien au contraire, pour ceux qui, clandestinement, tentent de rejoindre une terre promise (!) et d'y trouver une vie meilleure. Le scénario des Portugais, cependant, ne tombe jamais dans le pathos et si l'album éveille à la réflexion, il conserve une certaine légèreté qui assure, malgré quelques longueurs, une lecture prenante et agréable.

Actif comme illustrateur et dans le domaine de l'animation, Chico dessine ici son premier album. Son style est actuel, dynamique, et sa rudesse correspond bien aux situations décrites. La palette d'Emilie Rouge fait la part belle à des couleurs un peu ternes, comme pour rappeler le contraste entre le soleil du Portugal et la froideur de l'accueil réservé à ces futurs ouvriers du bâtiment. Un chapitre d'Histoire contemporaine à redécouvrir !