La Part des flammes
Scénario : Didier Quella-Guyot d'après Gaëlle Nohant
Dessins et couleurs : Wyllow
Philéas
La part des femmes
Le Bazar de la Charité était une vente de bienfaisance organisée à partir de 1885 à Paris par l'aristocratie et la haute bourgeoisie. Il s'agissait d'une mise en vente objets d’arts, bijoux, livres et pièces provenant de dons au profit des pauvres. En 1897, un incendie devait tragiquement marquer l'histoire de cette institution. Son bilan, très lourd, fut de 125 morts dont une majorité de femmes, et de plus de 250 blessés.
Dans son roman La Part des flammes, Gaëlle Nohant met en scène la Duchesse d’Alençon, la jeune veuve à la réputation sulfureuse Violaine de Raenzel et la pieuse Constance d’Estingel, trois femmes à la destinée liée par la tragédie du Bazar de la Charité. Et c'est leur cheminement, avant et après le drame, (Constance est internée abusivement) que nous permet de suivre Didier Quella-Guyot dans son adaptation en BD. On le sait, l'exercice est difficile et le scénariste parvient à conserver l'essentiel d'un riche roman et fait pénétrer le lecteur dans le milieu favorisé des organisateurs de cette vente.
On y mesure le poids des traditions et des convenances, le rôle de la religion et de la morale et la place de la femme dans la société, même dans cette catégorie sociale supérieure. Et puis, il y a cette vente qui, sous ses allures d'oeuvre caritative, comporte d'autres enjeux. Y participer, pour beaucoup, c'est être accepté au sein de cette classe dominante. Et en coulisses, les intrigues ne manquent pas pour y parvenir... comme pour empêcher certain(e)s d'atteindre cet objectif.
Ainsi, au-delà du portrait de trois femmes, c'est également le portrait d'une époque et de ses acteurs les plus fortunés que brosse La Part des flammes. Des portraits fouillés en ce qui concerne les personnages dont certains comportements ne manquent pas d'étonner, de heurter parfois, à travers un regard porté en 2022.
Wyllow (Yohann Puaux) s'attache à en mettre en images une reconstitution soignée selon un découpage qui favorise les grandes cases. Le dessinateur trouve un bel équilibre entre décors et scènes spectaculaires et séquences plus intimes. Toute l'histoire est construite sur les personnages et le trait réaliste classique du dessinateur les caractérise bien. On regrettera cependant une raideur parfois perceptibles dans certaines attitudes et expressions, mais force est de reconnaître que les auteurs n'ont pas choisi le type de récit le plus aisé à porter en BD. Et pourtant, le défi est joliment relevé !