Pigalle, 1950
Scénario : Pierre Christin
Dessins et couleurs : Jean-Michel Arroyo
Dupuis, collection Aire Libre
Quand les Corses régnaient sur le Paris de la nuit
Antoine n’a que 18 ans quand il décide de délaisser les hauts plateaux de l’Aubrac, comme bon nombre de ses compatriotes, pour tenter l’aventure dans le Paris qui le fait tant rêver. Seulement, l’arrivée chez son oncle, bougnat de profession, n’a rien de glamour et il va lui falloir une dose de courage pour intégrer un milieu qui ne lui est guère familier jusqu’à l’opportunité d’être au service d’une boite de nuit où l’alcool et les petites pépées sont monnaie courante quand la nuit recouvre la capitale.
Antoine est jeune, plutôt beau gosse, toujours prêt à rendre service et ses aptitudes ne vont pas tarder à être reconnues tant par le dirigeant de La lune bleue qu’auprès des filles. Alors c’est la belle vie, loin des burons où l’on bouffe du lard rance et du pain rassis sans jamais voir personne sinon ses compagnons d’infortune : place aux girls qui lèvent la jambe et à une vie aux apparences plus faciles !
Seulement, Antoine comprend rapidement que ce milieu de la fête attire une pègre qui n’est là que pour s’enrichir auprès des clients venus s’encanailler, et que le patron de l’établissement s’avère obligé de composer avec les véritables boss, des Corses qui règnent en maîtres sur la nuit parisienne. D’abord spectateur, Antoine ne risque-t-il pas, à moment donné, de se retrouver embringué dans de drôles de situations et finalement servir d’acteur pour des tâches bien particulières auxquelles il n’est pas préparé ?
Quel plaisir de retrouver le scénariste Pierre Christin qui renoue avec un récit sur la période des années 1950 qu’il avait déjà mise en scène en partenariat avec la tant regrettée dessinatrice Annie Goetzinger dans la série L’Agence Hardy.
Avec un scénario, qui se déroule comme un bon feuilleton qu’on aurait pu découvrir dans un des journaux de l’époque, Pierre Christin passionne le lecteur dès les premières pages, l’entraînant dans le tourbillon de la nuit et toutes ses vicissitudes. Les dialogues s’avèrent alertes et l’on retrouve sans déplaisir l’argot tel qu’il était pratiqué dans la capitale dans les années 1950.
Plutôt habitué à voir tout le talent du dessinateur Jean-Michel Arroyo dans des aventures aériennes où il n’a pas son pareil pour croquer les carlingues, le lecteur prendra rapidement la mesure d’un dessin noir et blanc réaliste qui colle parfaitement au récit. Alors pour les nostalgiques de cette époque ou ceux qui ne l’ont pas connue, c’est le moment de se lancer dans la période d’insouciance de l’après-guerre en découvrant cette belle pépite.