En roue libre

Oh t’inquiète pas. Ils frappent pas les infirmes… Au pire, ils me piquent mon fauteuil pour promener leurs mômes. Ha ha !  Tonio, on va lui couper sa dernière jambe. Lui et moi, ça fait un bail qu’on traîne ensemble. On est restés au quartier, on s’est débrouillés comme on a pu. On a bien vieilli ? Je sais pas.

Le scénario de Gilles Rochier nous décrit cette amitié contrastée avec beaucoup de sensibilité au cours de différents petits chapitres. Les journées dans la cité sont vides, et les rencontres entre les deux protagonistes semblent finalement être ce qui les anime l'un et l'autre. Certaines séquences en flash-back font découvrir au lecteur les deux personnages dans leur jeunesse, à l'école. Tonio y disposait encore de tous ses moyens et s'affirmait comme le casse-cou de service. Le destin l'a hélas privé de la vaine gloriole qu'il en retirait auprès de la petite bande de potes qui l'entourait. Attention,  l'humour -certes amer- n'est cependant jamais absent de cette chronique, car le quotidien de ces deux anti-héros leur réserve aussi parfois des moments lumineux.

Nicolas Moog transcrit cette histoire en image d'un trait humoristique, faussement simpliste et suffisamment dépouillé pour que l'attention du lecteur se porte essentiellement sur Tonio et son ami.

A la fois touchant et interpellant, En roue libre porte à réfléchir sur sa relation aux autres et, qui sait, à se remettre en question... L'album qui, de plus, bénéficie d'une fort jolie présentation, sort assurément des sentiers battus.