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Corto l’initié, de Joël Gregogna, préface de Didier Convard (Dervy)

Corto l’initié

de Joël Gregogna, préface de Didier Convard

Dervy

Corto, par-delà l’horizon

Corto l’initié lève un bout du voile qui entoure la destinée du marin imaginé par Hugo Pratt. Joël Gregogna, grand rêveur et amateur inconditionnel de bandes dessinées depuis son enfance, ne pouvait, eu égard à son parcours personnel, qu’apprécier la saga de Corto Maltese. Cet avocat, qui s’est tout de même donné la peine d’apprendre à piloter un avion par amour de Buck Danny et s’est mis à la voile par fascination pour Surcouf (un album de Charlier et Hubinon, ndlr), affiche un réel émerveillement pour l’univers du voyage du marin vénitien. Avec cet ouvrage copieux, construit autour de plusieurs degrés d’écriture, il réalise une belle œuvre de décryptage à travers de multiples références, replaçant chaque dessin, chaque détail d’une case, chaque posture d’un personnage, chaque dialogue, chaque album en général, dans un registre plus global.

Il y a eu des ouvrages particulièrement intéressants sur Hugo Pratt, mais - curieusement ? -, bien peu sur Corto Maltese. Pour belle qu’elle soit, cette saga est bien mystérieuse, toute à double ou triple sens, et sa pleine compréhension réclame une parfaite connaissance des sujets évoqués par Hugo Pratt. Et c’est bien cela l’un des intérêts du livre. Pour le reste, Joël Gregogna, qui manie les concepts, les références historiques, les citations comme des outils à disposition de chacun, présente ses réflexions, pousse les thématiques, les assemble en des montages parfois hétérogènes qui méritent le détour. Et, il faut le souligner, met le doigt sur des évidences que tout un chacun ne voit plus, tant elles sont à portée de l’esprit. Un exemple ? Allez, juste un titre, histoire de parer au plus voyant que nous ne voyons plus, comme le relève Joël Gregogna : La Ballade de la mer salée. Cette œuvre magnifique a pour le moins un titre curieux : sans même parler sur le terme ballade - et non balade -, la mer n’est-elle pas salée par nature ?

Joël Gregogna, qui ne prétend nullement détenir LA vérité sur Corto Maltese, apporte tout de même nombre de clés pour entrer dans cet univers chargé de symboles, à charge pour le lecteur de son ouvrage d’adhérer au propos ou de le rejeter, de suivre le chemin ouvert ou de l’ignorer. Mais la solution négative serait bien bête, tant, une fois immergé dans cette lecture passionnante, le lecteur y trouve des pistes de découverte sur cette œuvre magique - tout en sachant qu’il est possible de prendre aussi par petits bouts, pour se donner le temps de déguster. Car, comme le note Didier Convard, qui signe la préface : « Joël Gregogna a cherché toutes les clefs qu’Hugo Pratt a laissées ça et là au cours des aventures de son héros. De jolies clefs d’or qui ouvrent les gigantesques portes des rêves. Les rêves sont les derniers continents où d’humanistes aventuriers chevauchent encore quelques chimères en offrant aux lecteurs le sentiment de partager leurs secrets. »

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Mickael du Gouret
15/06/2008