Une vie chinoise
Tome 1 : Le Temps du père
Scénario : Li Kunwu et Pierre Otié
Dessins : Li Kunwu
Kana, collection Made In
Voyage dans l’histoire de la Chine contemporaine
Une Vie chinoise est intéressante à plus d’un titre : son auteur, Li Kunwu, propose un récit autobiographique, confrontant sa vie et celle de ses parents, à l’histoire de la Chine contemporaine, celle de Mao Zedong et de l’avènement de la République populaire. Il donne à voir, à lire, à entendre, à comprendre la Chine d’aujourd’hui. Dans les pages se glissent les raisons de la force actuelle, la vivacité, la capacité d’adaptation de l’ancien empire, mais aussi ses faiblesses, ses interrogations, ses doutes, ses errements, ses enjeux, ses défis.
Dans la préface, Pierre Haski, ancien journaliste du quotidien Libération qui connaît bien ce pays (et co-fondateur du site internet Rue 89), écrit notamment : « Les Chinois ont un rapport paradoxal à cette époque. Le président Mao reste la référence absolue […] Mais dans le même temps, on vit, on organise la société, l’économie, le pays selon des préceptes qui n’ont plus rien à voir avec la “pensée Mao Zedong” et le marxisme-léninisme, sans y trouver de contradiction particulière. »
L’auteur raconte avec tact et étonnement, quand bien même ce sont ses compatriotes, la douceur, la serviabilité des Chinois, même dans l’adversité la plus dure, même quand ils en sont réduits au stade de la simple survie, au sens fort du terme, pour cause de Grand Bond en avant – grand bond en arrière serait plus juste tant les dégâts furent monstrueux –, tout comme la Révolution culturelle.
Dans le même temps, il ne cache pas non plus leurs défauts, les dénonciations des parents par leurs propres enfants, la tyrannie de l’idéologie, jusqu’à la bêtise. Que dire de ces écoliers parcourant la ville en chassant les images bourgeoises chez le photographe, interdisant les recettes anticommunistes au restaurant, traquant les pièces de théâtre derrière lesquelles se cachent l’essence de la perversion bourgeoise ? Tantôt il s’attache à l’essentiel, tantôt il traine sur les détails avec soin, pour en sortir la quintessence.
Le premier volet de ce diptyque après avoir conté les débuts de la Chine communiste, se ferme sur un moment fort, très fort, presque incompréhensible pour qui ne connaît pas le pays, l’annonce de la mort du Grand Timonier au peuple chinois. Alors même que les Chinois, individuellement autant que collectivement, ont souffert mille maux et mille morts à la suite de décisions du Guide suprême, le sentiment qui domine est celui de la mort du père, le sentiment de devenir orphelin.
Reste à attendre le second tome, dont nous espérons qu’il sera de la même force.