Auracan » chroniques » Cannibale : d’après le récit de Didier Daeninckx
Cannibale : d’après le récit de Didier Daeninckx, par Emmanuel Reuzé , collection Atmosphères (Emmanuel Proust)

Cannibale

d’après le récit de Didier Daeninckx

Scénario, dessins et couleurs : Emmanuel Reuzé

Emmanuel Proust, collection Atmosphères

Zoo humain

Texte fondateur pour l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, Cannibale montre comment la France a exposé des Kanaks comme des bêtes, dans un zoo, lors de l’exposition coloniale de 1931 à Paris. Ce récit de Didier Daeninckx, basé sur des faits exacts légèrement romancés et paru en 1998 aux éditions Verdier, est aujourd’hui adapté en bande dessinée par Emmanuel Reuzé (auteur de la trilogie Ubu Roi) chez Emmanuel Proust qui avait déjà adapté deux autres récits de Daeninckx : le Train des Oubliés (dessin Mako) en 2003 et surtout Carton jaune (dessin Hanuka Asaf) en 1999.

1984, Nouvelle-Calédonie
. Arrêté sur une route conduisant à son village par deux jeunes révoltés, le vieux Gocéné va leur expliquer ses mésaventures en France plus de 50 ans plus tôt. Comme une centaine d'autochtones, il est envoyé en France pour « représenter la culture ancestrale de l’Océanie ». Très vite, les « élus » déchantent.

Arrivés à Paris, ils sont enfermés dans le nouveau zoo de Vincennes où ils sont exhibés comme dans une foire entre les crocodiles et les lions ! Un cirque allemand a besoin d’une attraction et reçoit en prêt ces « cannibales ». Se voyant séparé de sa fiancée Minoé, Gocéné décide de s’enfuir avec son ami Badimoin à la recherche de sa dulcinée. Arrivera-t-il à la rattraper avant son départ en train ?

Dans un style réaliste, Emmanuel Reuzé renouvelle son trait, plus noir et hachuré
, qui n’est pas sans rappeler François Bourgeon, et signe un bel album. Le flash back est colorisé dans des tons sépias en harmonie avec l’époque décrite. La posture des auteurs est volontairement du côté des Kanaks qui peuvent voir le public derrière les grilles. Ce faisant, les auteurs évitent l’écueil de réaliser une autre représentation exotique de cette exhibition.

Pays des droits de l’homme et ayant aboli l’esclavage, la France ne sort pas grandie de ce fait divers. Cette histoire complète sert au débat comme l’ont pu faire Kia Ora d’Olivier Jouvray et Virginie Ollagnier-Jouvray (Vents d’Ouest), Groenland Manhattan de Chloé Cruchaudet (Delcourt) ou Minik de Richard Marazano et Hippolyte (Dupuis, collection Aire Libre), sur un thème analogue de la confrontation des sociétés primaires et celles « dites » civilisées.

Partager sur FacebookPartager
Manuel F. Picaud
20/10/2009