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Entretien avec Maryse et Jean-François Charles

Autour de China Li

Si tous les chemins ne mènent pas à la Chine, nombreux étaient ceux qui conduisaient au parc Pairi Daiza, jeudi dernier, à l'occasion de la présentation à la presse de China Li, nouvelle série de Maryse et Jean-François Charles. Ce projet ambitieux, à travers le destin de Li, son héroïne, a pour ambition de retracer l’histoire de la Chine du XXe Siècle. Emmenés par Benoît Mouchart, directeur éditorial des éditions Casterman, c’est dans la très belle Maison de Thé de la Cité des Immortels, jouxtant le plus grand jardin chinois jamais construit hors de Chine, que les nombreux invités furent accueillis par les auteurs et par Eric Domb, fondateur et directeur de Pairi Daiza.


Benoit Mouchart, Eric Domb et Jean-François Charles

Depuis environ 5 ans, en effet, Jean-François Charles collabore régulièrement avec Pairi Daiza, en dessinant nombre de panneaux conduisant aux différents points d’intérêt du parc, le plan-guide destiné aux visiteurs mais aussi en concrétisant par le dessin, et de manière artistique, certains projets de transformations ou d’extensions du premier site touristique de Wallonie avant que ceux-ci ne soient soumis aux architectes. "Nous nous sommes rencontrés par hasard, explique Eric Domb. Je ne suis pas un connaisseur en matière de BD, mais j’ai tout de suite été séduit par le sens du détail de Jean-François Charles. Des détails qui renforcent l’authenticité de ce qu’il veut transmettre ou représenter. Nous sommes donc sur la même longueur d’ondes, puisqu’il s’agit d’une de mes priorités pour Pairi Daiza. Je veux que les visiteurs soient transportés dans des décors authentiques. Ainsi, par exemple, le bâtiment dans lequel nous nous trouvons a été construit par des compagnons bâtisseurs venus de Shanghai. En découvrant les planches de China Li, j’ai retrouvé cette volonté d’authenticité. Je pense qu’au-delà, chacun de nous a besoin de beauté. Un proverbe chinois ne dit-il pas : s’il ne te reste que deux pièces de monnaie, avec la première achète un morceau de pain, avec l’autre achète un lys…"


Illustration extraite du portfolio

 

Benoît Mouchart évoqua, pour sa part l’emploi du dessin pour comprendre le monde, qui fait coïncider chez l’artiste un désir graphique et de compréhension d’une culture différente. A l’origine d’autres de leurs séries, Maryse et Jean-François Charles ont plusieurs fois eu un coup de cœur lors d’un voyage. Et pour China Li ? "Je pense que la première émotion quant à la Chine, explique le dessinateur, nous l’avons ressentie ici. Nous étions venus visiter le parc avec nos petits-enfants, et à un moment nous nous sommes installés dans le jardin chinois. Il y faisait calme, on y diffusait une musique douce, et nous nous sommes laissé imprégner par cette atmosphère…parfois troublée par un coup de gong. Mais au départ je ne connaissais absolument pas la Chine, hormis, comme tout le monde, via tel ou tel restaurant !"

China Li est une nouvelle héroïne au destin hors du commun. Dans Shanghai, premier tome d’une série qui en comptera trois, les auteurs ne s’attardent pourtant pas particulièrement sur le sort des femmes chinoises dans les années 20’… "Nous avons découvert beaucoup de choses à ce sujet en nous documentant, précise Maryse Charles, notamment comment des petites filles étaient tout simplement…tuées parce que leur famille désirait un garçon. Mais Li a une histoire particulière. Confiée à son oncle, celui-ci la perd au jeu et elle se retrouve chez un patron d’une triade, organisation comparable à une « famille » de la Mafia. Zhang peut être cruel, impitoyable, mais s’intéresse aussi à l’art, à la beauté. Et c’est un dessin qui va donner à Li l’accès à un autre monde, qui va orienter sa destinée…"


Illustration extraite du portfolio



Maryse et Jean-François Charles

Pour les auteurs, un voyage en Chine va s’imposer alors que le travail sur l’album est déjà entamé : "Nous avions avancé tant dans le scénario que dans le dessin, explique Maryse, mais tout ce que nous avons découvert au cours de notre séjour nous a amené à des remaniements importants. Pour l’histoire ce n’était pas trop compliqué, mais pour le dessin cela posait évidemment d’autres problèmes."  "Nous nous étions beaucoup documentés, poursuit Jean-François Charles, nous avions lu beaucoup, comme nous écrivons le scénario ensemble, et, pour le dessin, je m’étais essentiellement inspiré de vieilles photos d’époque ou de vieux films en noir et blanc. Je pensais qu’il ne restait plus grand-chose de cette période sur place et j’avoue que je n’avais pas trop envie d’y aller. Mais nous avons vraiment été surpris de ce que nous avons retrouvé là-bas et ça a forcément changé la donne… Le voyage était très bien organisé, avec un guide et un chauffeur, on a pu visiter la concession française, nous avons logé à l’hôtel Astor, le premier hôtel construit à Shanghai dans les années 20’ et conservé tel quel. Nous avons vu une chambre qui a été occupée Charlie Chaplin. Et ça m’a permis de compléter ma documentation en photographiant des visages, des meubles, des arbres et justement, comme l’expliquait Eric Domb, tous ces petits détails qui ne s’inventent pas mais ajoutent à l’authenticité du récit et de ses images…  Des découvertes qui ont même eu un impact sur mes couleurs. En effet, alors qu’on imagine du rouge, en Chine pratiquement tous les murs des bâtiments sont peints en gris…car le rouge était jadis une couleur réservée aux empereurs et aux hauts dignitaires !"

Lors d’un tel voyage de repérage et de documentation, contrairement à d’autres auteurs, Jean-François Charles dessine fort peu, la photographie prime : "Je crois que la page de garde de l’album a été réalisée là-bas. Mais j’ai acheté des pinceaux en chine, de très bonne qualité bien qu’ils soient bon marché, et les illustrations du portfolio (un indispensable « collector » pour tous les admirateurs de l’auteur , édité par BD Empher à 200 ex. seulement et qui comporte 16 superbes illustrations ndlr) ont été réalisées avec ces pinceaux." 

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Pierre Burssens
05/09/2018