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Entretien avec Carbone et Gijé

La mélodie charmeuse de La boîte à musique...

Magie, mystères et merveilleux : la petite mélodie de Carbone et Gijé continue d'enchanter quiconque l'entend dans Le secret de Cyprien, tome 2 de leur série La boîte à Musique . Cette nouvelle aventure de Nola au pays fantastique de Pandorient dévoile une partition poétique teintée de périlleux secrets. La gravité n'est d'ailleurs jamais très loin : rackets, attentats... Une façon pertinente d'aborder des thèmes actuels et proches de nous. Mais la série constitue aussi une merveilleuse évasion dans un univers imaginaire foisonnant. Nous avons rencontré Carbone (scén.) et Gijé (dessin), arrivés récemment dans le monde de la BD mais qui, peu à peu, s'y tracent un joli chemin jalonné de petits cailloux lumineux.

Comment s’est constitué le duo d’auteurs Carbone et Gijé ?

Carbone : J’ai été chercher le dessinateur sur Facebook. Je suivais ce qu’il faisait depuis un certain temps, et je dirais même que certains de ses dessins ont dû m’inspirer pour l’histoire de La boîte à musique. Donc j’ai pris contact avec lui, au culot (rires), en lui expliquant que je le verrais bien faire de la BD…avec moi ! Dans un premier temps, Gijé a hésité car il travaillait pour un studio d’animation, mais je voulais avancer et le lendemain je lui envoyais le synopsis du tome 1…


Bénédicte Carboneill,

alias Carbone

Un tome 1 dans lequel le lecteur découvre un univers très particulier…

Carbone : Forcément, puisqu’il s’agit d’un monde caché dans une boîte à musique. Et par rapport à nos premières idées, il a beaucoup évolué lors de la réalisation de l’album, grâce aux conseils de notre éditrice Laurence Van Tricht, notamment…

Gijé : Carbone a écrit le synopsis et j’ai dessiné quelques planches. Nous avons envoyé ça à différents éditeurs, et les retours ont généralement été positifs. Dupuis a été directement emballé, ce qui était tout de même très motivant. Personnellement j’avais besoin de cette forme d’assurance, car si je voulais m’investir complètement dans le projet, je me voyais mal poursuivre dans mon ancien boulot.

Le secret de Cyprien, tome 2 de La boîte à musique, vient de paraître. Comment le définiriez-vous ?

Carbone : Nous n’y avons pas vraiment réfléchi. Nous avons poursuivi ce qui était entamé sur le tome 1 avec la même dynamique, le même enthousiasme. En même temps, nous disposons des lignes directrices de l’histoire, mais tout n’est pas figé. Nous essayons de tenir compte des remarques ou envies des lecteurs. Le premier album a soulevé chez eux certaines questions, et ça peut influencer notre travail. De même, nous savons qu’ils ont été sensibles à tel ou tel personnage, donc nous essayerons de faire réapparaître ceux-ci. Nous voulons conserver cette forme d’interactivité avec le public de La boîte à musique. Rien n’est totalement figé, et quelque part ça nous amène à redécouvrir un univers dont nous avons pourtant posé les bases, à l’explorer dans des directions différentes. On a un peu la sensation que les lecteurs ont déposé plein de petits cailloux sur les chemins du tome 1…  Mais c’est une manière de fonctionner qui est vraiment riche. De plus, cela nous permet de rebondir et de garder une vraie intensité dans Le secret de Cyprien, alors que parfois, dans le cas d’albums qui sortent de manière rapprochée, une forme d’affaiblissement dans l’inspiration se marque assez rapidement.

Vous découvrez l’univers de La boîte à musique en même temps que Nola ?

Gijé : Il y a un peu de ça. Notre héroïne s’émerveille de tout, et nous composons par rapport à cela. Les lecteurs posent des questions et nous essayons d’y répondre sans pour cela en dévoiler trop ou court-circuiter les axes du récit.

Une forme d’interactivité  rendue possible grâce à la prépublication…

Carbone : Absolument. Les lecteurs ont, pour beaucoup, découvert la série dans l’hebdo Spirou. Ils nous le disent lors des séances de dédicaces. D’autre part, être prépubliés dans un magazine BD qui possède une telle histoire, c’est autant un honneur qu’une opportunité, et nous en sommes conscients.

Gijé : Mais c’est également pour cela que nous voulions que l’album propose quelque chose de nouveau, de différent par rapport à ce que le magazine offrait. Notre éditrice l’a bien compris et nous avons particulièrement soigné  « l’objet livre » pour en faire quelque chose d’accrocheur, avec un embossage, l’utilisation de vernis sélectif et, pour Le secret de Cyprien, une couverture avec des éléments fluorescents.

Au-delà de la couverture il y a des planches au rendu très particulier. Quelle technique utilisez-vous ?

Gijé : Tout est réalisé en numérique, mais je tente de conserver l’aspect de la vraie peinture, avec ses éventuels « accidents » qui peuvent aussi enrichir l’ensemble. Côté dessin, le processus est assez similaire. Je ne recherche pas un dessin parfait, je préfère donner la priorité à ce qu’il soit « vivant » en conservant une certaine spontanéité. Je n’ai pas suivi de formation spécifiquement BD, alors je mesure que de ce côté je me positionne vraiment très loin de la ligne claire, mais je laisse davantage de place à la couleur. Ma formation relève de l’animation, ici j’ai parfois la sensation de proposer quelque chose d’un peu hybride. L’approche BD est très différente de celle de l’animation, les cadrages, le découpage…il s’agit d’un autre langage.

En découvrant Bienvenue à Pandorient, il était difficile de ne pas penser, comme références, à Hayao Miyazaki ou encore à Jim Henson…


Jérôme Gillet, alias Gijé

Gijé : Je ne connais pas assez l’œuvre de Jim Henson mais pour les créations de Miyazaki, oui, complètement, et plus généralement pour beaucoup de mangas. Ce qui me plaît et qui me touche chez les mangakas, c’est leur capacité à exprimer les émotions des personnages au sein d’une histoire. Des passages tristes succèdent à des séquences humoristiques et inversément, et ça passe bien, c’est fluide, ça ne choque pas…  Ils parviennent vraiment à doser de manière juste les moments où leurs personnages rient ou pleurent !

Carbone, comme Gijé avec l’animation, vous avez abandonné l’enseignement pour la BD…

Carbone : J’enseignais encore à mi-temps, mais oui, voilà, c’est un choix. J’ai l’immense chance d’avoir 5 projets signés chez Dupuis, donc on verra… Mais croyez-moi, je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Le premier album des Indics anonymes devrait sortir en janvier pour le festival d’Angoulême. Ensuite, toujours en 2019, viendra le premier volet d’un triptyque intitulé Dans les yeux de Lya. En 2020 apparaîtront La sentinelle du petit peuple et La brigade des souvenirs, avec des co-scénaristes car cela prend du temps de développer tout ça. J’ai la chance d’être soutenue pour m’investir dans ces projets, vivre avec mes personnages et les faire vivre. Et si je retourne en classe, ce sera probablement dans le cadre d’animations autour du livre ou de la BD.

Et de votre côté, Gijé, également des projets ?


Un dessin à l'origine de La boîte à musique

Gijé : Probablement un one-shot à venir au Lombard, mais il est encore tôt pour en dire plus. Et surtout La boîte à musique, puisque je ne dispose pas encore de la carte complète de cet univers et que je le découvre, moi aussi, au fur et à mesure. Une chose est certaine : il y a de quoi faire !

Un pseudonyme tel que Gijé, surtout chez Dupuis, c’est pour le moins…phonétiquement audacieux.

Gijé : Depuis que je suis tout petit j’ai toujours dessiné et signé mes dessins de mes initiales, et à l’époque je ne me suis pas posé la question !

 

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Pierre Burssens
07/11/2018