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Entretien avec Bernard Swysen

"J’avais envie de montrer comment un personnage euh…tordu parvient à accéder à un pouvoir suprême..."

L'année 2020 sera bien remplie pour Bernard Swysen. Outre un premier roman, Le syndrôme de la Gorgone aux éditions Lamiroy, l'auteur lance une nouvelle série mythologique chez Soleil, L'Odyssée de Pénélope (dessin de Christian Paty - 2 tomes prévus cette année) et y poursuit Les rescapés d'Eden (dessin de  Siteb). Passionné d'histoire et de cinéma, on le retrouve aussi chez Dupuis où il vient d'ajouter Staline (dessin de Ptiluc) à la surprenante galerie de portraits des méchants de l'Histoire de sa collection La véritable Histoire vraie . En avril, chez le même éditeur,  il nous permettra de porter un regard différent sur deux blondes emblématiques de l'histoire du 7e Art avec des albums consacrés à Brigitte Bardot et Marylin Monroe (dessin de Christian Paty) dans la collection Les étoiles de l'Histoire. Alors que Staline vien d'être publié, Bernard Swysen a répondu à nos questions au sujet de La véritable histoire vraie et des Etoiles de l'Histoire.

Lancer une collection comme La véritable histoire vraie devait avoir des allures de défi…

Bernard Swysen : Oui, parce qu’au départ le sujet n’est pas vraiment rigolo et que ça pouvait rebuter certaines sensibilités. Le projet a rapidement été accepté par Sergio Honorez, directeur éditorial des éditions Dupuis, mais il est clair qu’en cours de réalisation, j’ai compris qu’il était plus facile de faire accepter l’idée d’un album consacré à Caligula qu’à Hitler. L’histoire de ce dernier, et tout ce qu’elle a entraîné comme horreurs est encore proche de nous, présente dans beaucoup de mémoires et d’esprits. Et puis, n’oublions pas qu’il existe toujours des nazis aujourd’hui… 

Qu’est-ce qui vous intéressait particulièrement dans l’évocation de ces dictateurs ?

J’avais envie de montrer comment un personnage euh…tordu parvient à accéder à un pouvoir suprême. Et ça commence souvent dès l’enfance si pas avant, car le contexte de l’époque le permet. Les tyrans n’y arrivent pas seuls, ils sont rapidement entourés, accompagnés. Je voulais expliquer ce processus et c’est pour cela que certains albums de La véritable histoire vraie débutent avant la naissance du personnage. Attention, l’enfance n’excuse pas la suite, je suis d’ailleurs opposé à la recherche systématique de causes effectuée par des psys dans le cadre de la défense de criminels. Et tous les tyrans n’ont pas eu une enfance difficile non plus…  Je pense aussi qu’il y a certains aspects de ces histoires qui doivent être abordés avec le regard de l’époque. Certaines choses nous semblent aujourd’hui atroces mais étaient beaucoup plus courantes alors. Regardez, il n’y a pas si longtemps que cela que l’on guillotinait encore, et si on prend l’histoire de Torquemada, il aura fallu attendre le XXe S. pour que des synagogues retrouvent une place en Espagne…

Pratiquement cependant, n’est-il pas plus facile d’aborder l’histoire d’un personnage relativement récent côté documentation ?

Pas vraiment, non, car alors on se retrouve confronté à trop de documentation, trop d’ouvrages dans lesquels, il faut bien le reconnaître, on trouve un peu tout et n’importe quoi. Il faut donc vérifier un maximum d’éléments. Staline aurait été impossible à réaliser il y a 20 ans. La perestroïka a en effet permis l’accès à beaucoup d’informations. Les dictateurs modernes se sont construits avec la propagande et un contrôle strict de l’information. A l’inverse, les premières sources dont on dispose au sujet de Caligula sont des sources antiques, et là il s’agit plutôt de propagande à charge contre Caligula ! Je dois tenir compte de tous ces éléments en fonction du personnage et du contexte historique.

Comment s’effectue le casting des dessinateurs ?

Il me revient. Chaque dessinateur possède une personnalité différente et aborde le scénario à sa manière. Certains le suivent attentivement, d’autres sont plus inventifs, proposent des détours ou y apportent quelque chose de différent. Pour ma part, je suis très heureux de ces différentes collaborations.

Après celui d’Hitler, on retrouve Ptiluc au dessin de Staline…

J’ai rencontré Ptiluc lors d’un salon BD en Alsace, on a discuté du projet et pour lui c’était Hitler ou rien. Je pense que c’est ce qui pouvait nous arriver de mieux. L’approche de Ptiluc et son traitement animalier ont permis de créer une certaine distance par rapport au thème mais aussi d’aller jusqu’au bout du concept. Tout se trouve dans cet album, dont certains aspects très sensibles

Et sur sa lancée, Ptiluc a, en quelque sorte, réservé Staline. Mais cela répond à une logique, on peut considérer ces deux tomes comme un diptyque, avec une forme de parallélisme dans l’histoire, la seconde guerre mondiale, la construction du bloc de l’Est comme une conséquence de la guerre menée par Hitler…  Et dans l’album nous allons au-delà de la mort de Staline, jusqu’à la fin de l’URSS et la chute du mur de Berlin.

A travers cette galerie de (sinistres) portraits, peut-on dire que l’Histoire se répète ?

Oui, et elle se répète encore aujourd’hui. Le culte de la personnalité, les foules en délire, ça existe toujours, et les tordus actuels contrôlent encore davantage d’informations qui leur donnent plus de possibilités qu’avant…  Des tyrans ont toujours existé. On a le sentiment d’être à l’abri mais on ne l’est jamais. Dans les années 30’, des nations ont laissé se produire l’ascension d’Hitler en pensant que ça allait s’arranger, mais personne ne peut se targuer de connaître l’avenir !

En octobre dernier on vous découvrait à l’origine d’une autre collection, Les étoiles de l’Histoire, s’agit-il, d’une certaine manière, de l’autre plateau de la balance ?


Avec Eugène Chaplin...

Je suis un passionné de cinéma et j’ai pensé que ce serait sympa de mettre en parallèle les mythes du 7e Art. Chaplin était une évidence comme point de départ de cette collection. En avril vous pourrez découvrir les histoires de deux actrices mythiques, Marylin Monroe et Brigitte Bardot. C’est plus agréable, moins politique, Je dois reconnaître qu’il y a pire comme boulot. En plus, pour Chaplin j’ai pu bénéficier de l’aide de sa famille, j’ai rencontré Brigitte Bardot, par contre la plupart des gens qui ont connu Marylin ne sont plus là aujourd’hui…

Vous nous parliez de la documentation pour La véritable Histoire vraie. On peut imaginer que pour Les étoiles de l’Histoire vous deviez discerner les rumeurs, les légendes de la réalité…

Complètement ! Pour Brigitte Bardot c’est relativement facile, car elle a toujours dit ce qu’elle pensait, et elle a pu m’aider quant à certaines infos. Beaucoup d’histoires ont été inventées, elle a été la personne la plus photographiée du monde et aujourd’hui encore, de la Madrague, on entend les hauts parleurs des guides touristiques proclamer qu’il s’agit de la propriété de BB…  Après avoir lu le scénario, sa première réaction a été de me dire que ses parents se vouvoyaient. Je ne m’attendais pas vraiment à cela... Mais elle m’a laissé beaucoup de liberté et a vraiment bien joué le jeu. Pour Chaplin nous avons eu la chance, Bruno Bazile et moi, d’être accueillis par Eugène Chaplin au Chaplin’s world en Suisse. Ce musée comprend notamment des reconstitutions des décors des films de Charlie Chaplin enrichis de figures de cire réalisées par le musée Grévin. J’étais sur un petit nuage, et là aussi on a pu bénéficier d’une relecture du scénario par notre hôte qui nous a confié de nombreuses anecdotes familiales etc.

Vous êtes un passionné d’Histoire, scénariste et dessinateur…  La fiction ne vous manque-t-elle pas ?

Non, car j’ai aussi, comme scénariste, deux séries en cours chez Soleil Les rescapés d'Eden et L'Odyssée de Pénélope et une troisième en préparation. Il s’agit de fiction pure, ce qui me permet de jouer sur les deux tableaux. En tant que scénariste, la fiction peut peut-être paraître plus aisée, sans contraintes de vérifications etc. Mais elle a aussi ses codes. Par ailleurs, mon premier roman Le syndrôme de la Gorgone est sorti voici quelques jours… Je n’ai pas le temps de m’ennuyer !

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Pierre Burssens
10/02/2020